dimanche 30 janvier 2011

Devine-Tête chez Etat Libre d'Orange



Aujourd'hui, je me promenais Rue des Archives, puis j'ai entendu des cris... pleins de cris. a se croire dans un remake du clip de Kids ! En fait, je passais juste devant le n°69 de la rue. Et pour le coup, les pensionnaires de cette terre de libertinage olfactif étaient en pleins jeux.

Comment dire ? Je suis rentré dans la boutique : tout était coloré. Le tapis au motif normand était jonché de cartes bleues au motif à spirale plus clair. Une énorme boite trainait sur la table noire dans le fond de la pièce. Les posters tous plus colorés les uns que les autres semblaient se faire des clins d'oeil. Les livres au goût... particulier claquaient à l'unisson dans une harmonie agréable et enfantine. Des flacons faisaient sonner leurs pas sur l'escalier noir et une en particulier se regardait avec avidité dans le miroir (une certaine Putain des Palaces).

Des avions de papiers jaune, rose, verts ou bleus volaient dans tous les sens. Je refermai vite la porte.
Au dehors : aucun bruit.

A peine j'entrouvais de nouveau l'ouverture du 69, que tout se réanimait dans le quartier !
Une pure folie.

Puis, je sais, je suis parfois long à la détente, je me suis demandé qu'est ce qu'ils faisaient, dans cet atmosphère enfantin et guilleret...

Observer et analyser : des flacons ont une sorte de papier un peu jauni scotché maladroitement par un ruban adhésif qui oscille entre la vie et la mort. Sur chacun de ses petits bouts de papier est inscrit le nom d'un objet, d'un animal, d'un lieu, etc... Et à eux de deviner. Je m'assois dans le confortable sofa rouge, et je les regarde...

Sécrétions Magnifiques - Bon, les gars, qui commence ? C'est pas tout, mais j'ai du sang au four... Puis, ne gaspillez pas votre salive pour rien

Charogne, moqueur - Tout de suite les grands mots !
Le flacon se lève, m'observe en coin et commence sa série de questions. 
Bon, est-ce-que je suis un animal ?

Rossy - Oui, mais pas que... 

Charogne, trop content d'être direct sur la bonne piste - Aaah... Je suis dans les milieux froids ? Non, pas particulièrement. Ok. Huuum. Je suis un insecte !!! Non plus. Un cadavre en décomposition ? Un charognard ? Même pas une petite carcasse ? Décidemment...

Eloge Du Traitre, malicieux - Tu voles ;)

Fat Electrician - Bon, toi là ! Le félon ! Je te prie de pas faire des coups dans le dos en aidant les autres. A Charogne : Continue.

Charogne - Je vole... C'est intéressant ! "Mais pas que". Ok. Je suis dans le ciel ? Ah !!! Je chauffe !!! Bien... Est-ce que le ciel est composé d'autre chose ? Hein ? Il est autre chose. Ok, ce serait donc une sorte de fond symbolique ?
Rossy - T'emballes pas non plus... c'est juste un fond particulier

Charogne - Attend attend attend ! Tous les morceaux se recollent !!! Je suis une mouette sur fond bleu à picots noirs ! Mais oui ! Parlant à ses indoles : mais oui les filles, je vous avais oubliées !!! A qui le tour ?

Un bruit sourd se fait entendre. C'est Putain des Palaces, qui a - encore - cassé son poudrier ! Elle nous sourit, un peu cruche.
Putain des Palaces, gênée - ^^ Euh... à mon tour ? Alors, je suis un animal ? Silence. A voir vos têtes, non. Ecoutez les gars... j'ai jamais été bonne à ce genre de jeu ! Elle remet ses talons roses à strass en place et glisse ses ongles au vernis... particulier, dans ses longs cheveux teintés de quelques paillettes. Elle se met à pleurer. Vous vous êtes tous bien dans votre peau ! Moi, je ne suis qu'un vulgaire poudrier un peu synthétique sur les bords, avec une connotation dégueue !!!
L'assistance olfactive, en choeur - Euh....

Rossy, la prend des ses bras - Ma belle, tu viens de trouver en plus ! Tu étais un poudrier du temps de Qin Shi Huangdi ! Une pièce de collection ! Tu sais, tu n'as rien à envier à Ombre Rose, car tu es vraiment unique ! Allez, vient me faire un calin =)

Vierges et Toreros - Bon... à mon tour là ? Ouais ça me dit bien... Elle fait éclater une bulle de chewing gum bleu sur Charogne. Ok. Est-ce que je suis un objet ? Non. Noté. Un animal ? Encore la négative ? Tu veux mon poing sur la gu...la guerre est un chemin vers la défaite. Bon. Un lieu ? Gagné. Manque d'enthousiasme sérieux. Cool génial. Super. Un lieu  de charme ? Commun alors. Oui, commun. En ville ? Ah non...

Sécrétions Magnifiques - Ca va là, tu joues pas un peu tout seul ?

Vierges et Toreros, ne relevant même pas la remarque - Un lieu de campagne alors ? Ok. Un lieu commun en campagne ? J'allais dire une connerie... Notions de travail ? Non. De plaisir alors ? Oui ! Lieu commun + campagne + plaisir... euh... un camping ?

Sécrétions Magnifiques, blasé - Ouiiiii ! Bravo !! Maintenant tu as le droit à ton explication, puis ce sera au tour de Nombril Immense (encore occupé à s'admirer lui, je vous raconte pas le calvaire pour accrocher le bout de scotch !).

Vierges et Toreros - Saint Aimable priez pour nous. Le camping donc ? Oui, une certaine odeur de matelas pneumatiques, d'herbe, de petit chauffeau et de nature (tout de même !). J'accepte.

Nombril Immense, éloquent - Hum hum.... Je peux ? Bien. Eh Dieu si j'eusse pu connaitre, la douce allégorie de mon être...

Tilda - Heu... tu nous l'a fait en français ma jolie ?

Nombril Immense -Oh ! Je me sens toujours rabaissé avec vous, piètres mortels face à ma beauté infinie ! Je me vois, telle une belle campagne étendue, dans l'espace instable de ce monde d'illusions !

Tilda, ironique - Tu vas rire, mais t'es pas si loin, Ô bellâtre...

Rien, faisant de l'air guitar, traverse la "salle de jeux", sans même faire attention aux autres

Nombril Immense, méprisant - Mon dieu... Va jouer en pleine campagne toute remplie du vide éternel que ton âme artistique tend à nous faire partager !

Tilda - Gagné !!! Tu es une campagne infinie !!! Trop fort, jeune flacon ;)

Nombril Immense, estomaqué - Mais, mais, mais !! Oh ! Et puis diantre !

Tilda - A mon tour ! Est ce que je suis une célébrité ? (Silence dans l'assistance). Bon ça va c'était pour rire... Bande de légumes !

Vraie Blonde, se faisant une manucure avec un produit qui pue - Nan mais quand même... euh... vous êtes trop forts ! Glousse. A chaque fois vous trouvez du premier coup ! Oh la la (se passe une main dans sa longue chevelure blonde, naturelle bien évidemment comme teinte)


Tilda, déterminée - Bon. Est-ce que je suis un lieu ? Oui ?! Cool alors ! Je suis un lieu célèbre ou intime ? Un monument ?

Jasmin & Cigarettes, recrachant une bouffée de tabac blanc - Ecoute darling, disons que tu penches plus sur l'intimité (aspire une nouvelle fois une bouffée mortelle)

Tilda - Eh eh ! J'avance !!! Est-ce que c'est un lieu que tout le monde a (je sais, je m'exprime mal mais c'est pas facile !) ou plutôt un lieu assez exclusif ?

Je Suis Un Homme - Bah t'sais louloute, c'est plutôt de la seconde classe ça ! Hein ? A Antihéros et Fat Electrician : Hey les gars, y'a l'autre rouquine qui s'demande si c'quelle est c'est du vital ou du luxe ! J'lui répond d'aller se voir ? (rire de beauf tonitruant). Nan j'déconne ! (silence de Tilda méprisant), t'es pas vraiment dans la nécessité.

Tilda - Mon Dieu ! On est pas rendu ! Un lieu personnel secondaire ? Je suis une maison ? Ah je chauffe ! Est ce que je serais une résidence secondaire ? Oui, mais en plus précis ! Euh... Je sais pas moi. Je suis un lieu de vacances ? Une résidence de vacances ? Non. Ok. Une maison de week end ? Non. Eh beh mon vieux... Une maison d'enfance ?

Delicious Closet Queen - C'est pas trop tôt ma jolie. Je suis sûr que tu peux être plus précise encore ! Se rajuste une écharpe de plumes roses sur l'épaule et va taper la discute avec Jasmin & Cigarettes et Bendelirious.


Tilda - Ah ! Cool alors ! Je suis une maison d'enfance ! A la montagne ? Non. A la mer ? Non plus, décidemment. A la campagne ? Gagné !!! Oh mais oui ! Je suis une maison de campagne d'enfant qui s'en va dans le potager !!! J'ai tout bon !! Yiha !!!

Divin'Enfant - Et moi même dans le rôle de l'enfant ! C'est-y pas choux ? Fait un bisou sur la joue à Tilda. Bon. Est ce que je suis un animal ? Non. Fort bien. Un lieu ? Se gratte l'arrière de la tête. Toujours pas. Je me souviens d'une fois où j'avais crié en pleine rue que "NON CE N'EST PAS UN LIEU CONVENABLE" puis que je suis parti de cet endroit.

L'Assistantce au complet est éberluée.

Vierges & Toreros - Mais il est complétement jeté celui là !

Divin'Enfant - Eh ! Je vais le dire à ma mère ! Mais c'était parce que vous m'écoutiez pas !!! Bien. Je suis un objet alors ? Pas vraiment... ok. Oh je suis perdu !!! Je suis... à manger ? Oui ? Ouiiiii !!!! Aah !!! Je suis plutôt sucré ou salé ? Sucré. Et j'espère juste vous allez pas aller dans le cliché du petit enfant qui aime la guimauve !

Je Suis Un Homme - C'est ta mère la guimauve. A Antihéros et Fat Electrician : Hey ! Les gars, z'avez vu THE réplique que j'lui ai envoyé ? Mouah ah ah !!!

Divin'Enfant - En fait je crois que c'est pas vraiment moi le gamin dans l'histoire... mais bon ! Passons ! Je suis comestible, donc. Sucré. Euh, très sucré ? Oui, quand même. Non pas tant que ça voyons ?

Jasmin & Cigarettes - Mais voyons darling, puisqu'on te dit que si !

Divin'Enfant - Ok. Ok. C'est bon. C'est bon ? Plutôt. Tant mieux...On me trouve en boulangerie ? Ou plus en confiserie ? Ah !!! Je ne suis pas une confiserie, mais bien une oeuvre de boulanger. En plus personnel vous dites ! Une patisserie maison alors ! Ok... Tape dans ses mains. Bon : un flan ? un moelleux ? une tarte aux pommes ? un macaron ?  une charlotte ? une meringue ? une... quoi ? Une meringue ! Mais en plus précis... Qu'est ce qui change dans une merignue maison ??? Ah si !!! J'ai trouvé !!!! Une meringue un peu trop cuite !!!

Tilda, euphorique - Bravo choupinet !!! Tu as trouvé !! Mes chers, tout le monde a trouvé ! En espérant la prochaine fois que nos autres confrères plus turbulents joueront le jeu à leur tour ! C'est pas tout, mais moi, j'ai un potiron sur le feu ;)

lundi 24 janvier 2011

Bas de Soie, Serge Lutens - "Désolé chéri, mais Pas ce Soir !"

Alors que certains préfèrent blablater beurre et brioche sur Jeux de Peau, le dernier-né des parfums Serge Lutens, (en se basant sur des ressentis tout frais et des échantillons récupérés de manière douteuse)...


(non non, je ne suis pas du tout jaloux de ne pas encore avoir pu le sentir.............)


...Mister Phoebus préfère revenir sur Bas de Soie, le lancement de 2010. Testé, sniffé, porté et approuvé (avant d'être acheté) la critique n'a pas mis si longtemps que ça à venir : 6 mois à peine depuis le lancement, et le parfum n'est déjà plus d'actualité. C'est un monde ça !... Enfin bref, la frénésie des lancements niches (qui commencent à se caler sur le tempo des mainstreams) n'est pas vraiment ce qui nous importe ici... (et je préfère vous prévenir tout de suite, histoire que le videur ne vous fasse pas d'histoires à l'entrée du prochain paragraphe, pour lire cet article c'est tenue correcte exigée !).


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Un air de jazz en fond sonore. Une robe fendue. Coupe de champagne à la main. On fait jouer les bulles mais on en boit à peine. On parle peu, et on rit beaucoup, en exhibant ses dents blanches, très blanches, entourées de rouge à lèvre rouge, très rouge. C'est comme ça qu'il faut porter Bas de Soie. Pour un after, après un défilé de mode d'un grand couturier – oh, pas grand chose, juste une petite centaine d'amis très proches sur un yacht...Vous voyez le genre.

"Voilà, marche. Pose. Méprise la Terre entière. C'est ça être mannequin !" - Gabriella Solis dans Desperate Housewife (on applaudit ma culture générale...)


La première fois que j'ai senti Bas de Soie, une telle foule d'image m'est venue à l'esprit que j'ai dû mettre un moment avant de pouvoir poser des mots (compréhensibles) dessus. J'avais l'impression qu'une cartouche d'encre waterman avait imbibé la mouillette, et en fermant les yeux, partout, je ne voyais que du bleu, un bleu nuit très profond. La jacinthe ? Sans doute, oui, mais ici ce n'est pas vraiment une espèce ordinaire. Oubliez les références du genre (Anaïs Anaïs, Bluebell), cette jacinthe là n'a rien de tendre, et même rien de fleuri. Elle est verte, acide, presque âcre dans les notes de tête. Une vraie claque olfactive, une onde d'agressivité qui confère à la fragrance la beauté inaccessible du mannequin qui fait la moue. Enfin, quand je dis ça, je suis gentil, et je parle de la beauté du parfum en tant que création... Parce qu'en termes de séduction, porter Bas de Soie à une soirée reviendrait à mettre un pull avec marqué "j'ai une MST" dans le dos en lettres fluorescentes. Ça peut être appréciable dans certains cas, genre avant que votre fille ne sorte en boite, au lieu de glisser un spray au poivre dans son sac comme d'habitude, deux trois pschits de Bas de Soie derrière les oreilles devraient réussir à détourner les mauvaises intentions. Et pour vous, les mères de famille qui simulez un mal de tête un soir sur deux pour réfréner les ardeurs de votre mari, si vous portiez Bas de Soie de temps en temps, histoire de varier..? (Bas de Soie se prononce un peu comme "pas ce soir", après tout...Coïncidence ? Je ne pense pas).

Oui mais ça ne nous avance pas tout ça... Chic ou pas chic, ce Bas de Soie ? In ou Out selon Fémina Mag ? Out, sans aucun doute... Parce que ce Lutens fait vraiment office d'ovni dans le paysage olfactif actuel (et joue aussi les outsiders à côté des autres créations de la marque, d'ailleurs). Pas de fruits, pas de muscs, pas de patchouli, pas d'hédione... De quoi faire froncer pas mal de narines ! Il n'a rien de jeune, rien de lisse, rien de facile... Et c'est ce qui fait toute sa valeur, en fait, (enfin après ça dépend ce qu'on cherche, quoi). Ce parfum est donc plutôt connoté rétro, poudré, imposant, il emprunte la structure du N*19 de Chanel sans toutefois la copier. C'est sans doute cette filiation qui lui confère l'aura d'une élégance intemporelle et pas très accessible. Heureusement, le parfum devient beaucoup plus agréable (et portable !) quand viennent les notes de cœur et que l'iris se découvre, s'épluche, sourit et rayonne doucement... Jusqu'à éclipser totalement la jacinthe dans les notes de fond. Mais tout comme la lune, la lumière qu'il répand reste froide, métallique et blafarde. On vous avait prévenu... Implacable, de bout en bout.

Quand on croise un porteur de Bas de Soie, la chose la plus intelligente à faire est de baisser les yeux.



S'il me fait penser à l'univers de la mode, comme le début de l'article a pu le trahir, c'est pour cette raison, évidemment, pour le côté "on touche avec les yeux", l'inexpression, la perfection des longues jambes... Mais au delà de ça, quand je le porte, que je l'oublis un peu et qu'il remonte à mes narines par hasard, cela m'évoque toujours l'odeur des vêtements neufs et biens pliés sur les étagères des magasins d'habits. Cette odeur subtile, indéfinissable et pourtant très identifiable, un peu grinçante, un peu grise, un peu propre. Alors, comment le porter, ce bas de soie ? En jean/baskets ou en tenue de soirée ? C'est à vous de voir. Après tout, que vous portiez du casual ou de la haute couture, ce qui compte vraiment, c'est ce que vous portez en dessous ;) ..! (Et là, je fais référence au parfum, vous pensez bien, car comme je l'ai largement souligné et re-souligné plus haut, vous ne risquerez pas d'être exposé aux courants d'air en vous parfumant avec Bas de Soie. Son côté autoritaire peut en revanche faire de lui un excellent parfum pour le bureau...).

mercredi 19 janvier 2011

Coco, Chanel - Chaleur à sang froid et son acolyte O.

On ne vit que deux fois... C'est ce que murmure Nancy Sinatra dans un des génériques de la saga James Bond préféré de Dr Jicky. Coco de Chanel, elle, semble traverser le temps. Et pourtant, le sang a coulé suite à sa naissance.


Coco, 27 ans. Profession : tueuse à gage, au service secret de sa majesté (Mademoiselle Chanel, en l'occurrence).
Oui, vous avez raison, à lire ces quelques lignes de présentation, on a pas vraiment envie de me connaitre. Mais que voulez vous, il y a des bons et des méchants, comme dans toute société.

Ma société ? Oui, je vous vois venir. Et bien non, vous n'en saurez rien, si ce n'est que ses activités prônent un retour aux vraies valeurs olfactives.
Oh, attendez, j'ai un message (oui, il va s'autodétruire, ne vous inquiétez pas). M m'attend dans son bureau. 

Fort bien... Le travail reprend !
Je monte d'abord une succession de marches vers l'étage absolu, celui du chef : M. Du moins, de la chef. M, l'autorité mystérieuse de notre société secrète. A vrai dire, pas si secrète que ça. M, c'est Mitsouko, une femme au charisme détonnant, très proche et qui personnellement m'a beaucoup inspirée.
La mission du jour, faire équipe avec O, ma camarade de toujours, dans le but de descendre (n'oubliez pas que je suis une tueuse à gage) un vieil acariâtre (répondant au doux nom de Bleu), qui cherche à faire de son gang la nouvelle surpuissance olfactive mondiale.
O me regarde, oui, la routine. Nous prenons toutes les deux avec raffinement et délicatesses nos armes favorites : nous.

Vaporisateur silencieux, vissés ; bouchon et cran de sécurité, enclenchés ; munitions et ml de rechange, ok. Bien, nous sommes parties.
Nous passons dans un couloir feutré pour quitter le bâtiment imposant de la société. Mes talons vernis ne font pas de bruit : tout son est absorbé par la profondeur de la moquette, d'un rouge noble, rappelant les vieux théâtres italiens. Des statues de marbre, de beaux tableaux de l'école du Nord, bordés de cadre dorés et enluminés et mêmes des paravents ornementés de dessins traditionnels orientaux parsèment le couloir... ils ne se refusent rien quand même ! En même temps, avec O, on considère toujours comme jouissif de passer ce couloir aux fastes, synonyme des missions les plus palpitantes. Mon coeur bat. Un homme tout de noir vêtu m'ouvre une porte blindée, qui mène à l'extérieur.

Tient, il pleut. Sur la route pavée, une voiture passe dans la nuit, ses feux éclairant une chaussée trempée par la pluie. Nos talons font surgir de suite ce petit claquement si familier. L'impact de la chaussure sur la dalle humide et sombre fait éclater dans l'air de petites évanescences aux douces effluves de clou de girofle. La moquette surement, ils ont tendance à nettoyer la moquette à l'aide d'huile essentielle aux senteurs de cette épice...

Une voiture discrète nous attend juste au coin de la rue. Son capot est bien mouillé et le métal noir brossé reflète une lumière blafarde dans l'obscurité. Tout était prévu. On entend au loin des bruits de fêtes. O et moi rentrons dans l'auto. Silence.

L'intérieur propose aussi une image de faste. Je me glisse dans le fond du siège en cuir à l'odeur discrète et prend un verre de champagne pétillant.
O me sourit :

- 27 ans que l'on travaille ensemble. Et nous n'avons toujours pas mis cartes sur table. Soeurs ? Amis ? Ennemis ? Même nous, nous ne savons pas comment caractériser nos relations.

O sort une cigarette, ainsi que son porte-cigarette noir, qui me rappelle furtivement la matière du capot de la voiture trempée nous attendant. Je lui souris mystérieusement et lui dis :

- En même temps, à quoi cela servirait-il ? Tu es anguleuse, je suis ronde. Tu es provocante et moi subtile. Cependant, nous nous ressemblons tellement, sans jamais nous toucher, que personne ne peut rien tirer de nous deux. C'est aussi cela qui fait notre force.

- Ecoute Cocotte, me répond t-elle en crachant une vague fumée de sa bouche, sache qu'en matière de meurtre, je t'ai toujours surpassée. Rappelle-toi cette mission en Chine dans les années 80... Je n'ai toujours pas l'autorisation de M d'y retourner (quel carnage ! Pire qu'une bombe galbanucléaire !).

O sort un petit flacon rouge d'alcool et s'abreuve en silence, chaque gorgée étant aspirée avec délicatesse, et sans aucun frémissement de la part de mon acolyte. Elle me fixe toujours des yeux. Une goutte couleur pêche de cet eau-de-vie perle délicatement sur le bord de sa lèvre. Elle s'arrête de boire et du bout du doigt, elle sèche la larme du spiritueux.

- Toujours agressive ma belle. J'aime ta manière de penser... Ce carnage en Chine ? Oh oui... mais je n'étais pas invitée. C'est triste. Se dire qu'au même moment, j'annihilais une vulgaire nouveauté dans un théâtre baroque. Pour le coup, le rideau était vraiment rouge... A croire que j'étais aidée de Santal de Mysore !

J'avale délicatement une gorgée de champagne. O me raconte une anecdote avec un détournement de flacons dans un camion... Une histoire louche, que je soupçonne d'être manigancée par O elle même.

La voiture freine. Je pose ma flûte, et elle range avec soin son porte-cigarette dans un petit coffret en cuir marron.

La façade qui apparait devant nous fait légèrement peur dans le noir de la nuit profonde. Une fac. Du moins une entrée curieuse d'une fac.

Un message de M nous attend :

Vous avez devant vous l'entrée de service de la fac des Fougères V.
En son sein règne avec force et chaos une confrérie dangereuse, conduite par des personnalités dangereuses.
Je vous demande d'être prudentes, discrètes et appliquées.

Ramenez moi le petit Bleu... je le veux vivant !

M.

Un regard qui se croise, des lèvres qui se plissent en un sourire proche d'être malsain.
La mission commence. O et moi nous avançons.

Deux femmes, deux beautés de feu, mais une seule âme : le sang froid.

Après tout, on ne vit que deux fois !

Jane Seymour, Live and Let Die

Rajout 31/01/2010

Je viens d'apprendre la mort de John Barry, compositeur des thèmes de James Bond...
Un petit hommage donc, pour ce grand compositeur !

mercredi 12 janvier 2011

Osez le Vert, en Hiver (attention, article qui rime !)

Car après les écharpes, dans la rue,
Quand le vent cru souffle rude
Et froid dans son sillage,
Les Orientaux, 
en hommage volent et diffusent
leurs épices délicieusement
au vent. 

Le soleil, leur Muse
S'amuse et se cache et s'évoque
De milles façons
Dans milles flacons, combien d'étés 
Et de miels capturés dans 
un trait de vanille bourbon ?

Et sous ces gousses
Je me gausse de ces clichés
Glissé comme je l'étais dans
un flacon d'Issey : La bouteille verte
Quelle idée ?
Mais si, essayez donc et 
Vous verrez sous vos pieds
Pousser des fleurs, car
l'hiver, le vert et la fraicheur
Semblent tous deux renaitre.

Les oreilles rouges et les dents serrées,
J'avance à contre-vent, je sens mon parfum 
Aussi divin qu'il fut, je sais
Que la température ne remontera point
Et plutôt que de songer à l'été passé,
je préfère rêver déjà 
du printemps à venir.



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En bref, tout ça pour dire que si vous voulez être original cet hiver, portez du vert ! (Et si l'idée vous parait saugrenue, gardez à l'esprit que porter un oriental, aussi ardent soit-il, ne vous servira pas de seconde écharpe dans l'absolu...).

Les parfums se dévoilent différemment selon la température... Pourquoi ne pas combattre le froid par le froid  pour découvrir votre parfum sous un nouveau jour ? Les basses températures "séquestrent" un peu les sillages des parfums...Mais elles permettent aussi de mettre en valeur certains aspects qui sont eclipsés avec la chaleur !
Mes chouchous quand il fait  -2 degrés le matin : A Scent bouteille verte, Cristalle et N*19 de Chanel, et bien sûr Diorissimo de Dior (celui-là, vraiment très surprenant !).

A quoi bon hiberner avec un oriental-vanillé-chaleureux quand on peut se tonifier dès le matin avec du vert ?

Bon hiver à tous !

Tableau : Boreas, John William Waterhouse (merci Anne ;)

jeudi 6 janvier 2011

Des histoires de parfums pour le bureau !

 Par Phoebus.


On le sait, le perfumista est un libre penseur olfactif. Il se joue des codes masculins/féminins, il voyage dans le temps en sniffant des flacons vintages, il rit à gorge déployée devant le petit noeud de Ricci Ricci et assume sans complexes d'experimenter les "parfums de vieilles" quand il prend le métro aux heures de pointes. Mais dans des situations comme notre lieu de travail, il faut parfois accepter de ne pas pouvoir afficher nos goûts olfactifs les plus farfelus, (même sous prétexte que c'est invisible !). En effet, qu'on le veuille ou non, l'image compte énormément au bureau, et de même vous n'oseriez jamais venir travailler dans votre vieux survêtement fluo, vétérant des années 90 (aussi confortable et léger soit-il), de même vous ne pourriez vraiment pas venir travailler en ayant vidé un flacon de Dans Tes Bras sur vous. Que ce soit visuel ou olfactif, il faut éviter tout décalage, toute faute de goût qui puisse trop attirer l'attention sur vous, car ici on ne vous demande pas de vous démarquer, ou d'être original... Il faut juste être irréprochable. Et impeccable.
Attention, on ne vous demande cependant pas d'être un mouton, non plus... Mister Phoebus vous explique comment se démarquer olfactivement au bureau, de manière discrète et efficace.

Mais avant de passer au cas par cas, il est nécessaire de revenir sur quelques fondamentaux :
  • Tous les parfums trop forts, trop opulents, trop épicés bref...tous les "trops" sont à bannir. Car qui dit surdose dit polarisation, or ici on cherche l'unanimité. La discrétion est de rigueur.
  • Ensuite, faites attention aux saisons et aux changements de température... Inutile de vouloir combattre "le feu par le feu" en été, pour découvrir de nouvelles facettes de votre Shalimar préféré, encore une fois, ne cherchez pas à être original, gardez toutes vos expérimentations pour le week end afin d'éviter les mauvaises surprises. Ici il faut jouer avec des valeurs sûres ! Donc en été, ne choisissez que des colognes, des eaux fraiches... (ou même, ne portez rien du tout).
  • Pour finir, je pense qu'il est de bon ton de ne pas choisir les best-sellers du mainstream pour aller travailler, car ils sont trop facilement identifiables et évocateurs (et seront certainement déjà choisis par vos collègues !). Rappelez vous que vous devez tout de même conserver votre identité de perfumista, même sous muselière !



On garde tout ceci en tête ... et on commence avec les demoiselles :

Vous êtes une-jeune-cadre-qui-a-de-l'avenir. Vous vous habillez de façon élégante mais stricte, le pantalon à pinces n'a plus de secret pour vous, vous évitez les décolletés, les cheveux relâchés et le maquillage, bref tout ce qui pourrait rappeler de façon trop évidente à votre entourage masculin que vous êtes une femme. Car il faut bien se l'avouer, pour avancer dans ce milieu, il faut avoir une poigne de fer, et sans gants de velours ! Ainsi donc, les seuls accessoires que vous vous autorisez pour trahir votre féminité sont des chaussures à talon (mais petits, les talons) et votre parfum. A la machine à café, pendant la pause, vous mordillez nerveusement le bord de votre gobelet en plastique pendant que Cindy, la secrétaire décolorée, fait rire tout le monde en racontant ses mésaventures du week-end. Mais vous ne l'écoutez pas : vous jalousez en silence le floral-fruité qui s'évapore de son décolleté et irradie toute la pièce quand elle bouge, allant même jusqu'à couvrir le banal sillage de votre Coco Mademoiselle. Vous la suivez à la trace, narines retroussées dans les couloirs, mais pour RIEN au monde vous n'iriez la complimenter et lui demander le nom de son parfum...Alors vous voilà en train d'arpenter le Sephora du coin pour identifier le sillage de l'ennemi-à-abattre. En deux minutes, montre en main, vous dénichez le flacon de Amor Amor Elixir en étant sérieusement tentée de l'acheter, vous aussi...Jusqu'à ce qu'une vendeuse vous présente Womanity de Thierry Mugler. Et là, c'est le choc, le coup de foudre : c'est aussi un floral fruité, mais plus sucré, plus fort, plus diffusif, vous vous imaginez très bien porter ça en arrivant à la machine à café le lundi matin, avec des talons très hauts, un jean à taille très basse, un rire très fort et des cheveux très brillants. A côté de vous, Cindy aurait l'air de sortir d'un film muet en noir et blanc.
La vendeuse aurait pu vous secouer l'épaule depuis une minute déjà, mais par politesse, elle vous a laissé aller jusqu'au bout de votre rire démoniaque. Le rouge aux joues, en vous rendant compte de votre manque de discrétion, vous avez pu réfléchir aux comportements à adopter en fonction des situations et, vraiment, non, Womanity n'est pas fait pour le bureau.

Quelques semaines plus tard, vous avez tout de même fini par trouver votre bonheur en dénichant une boutique Annick Goutal pas loin de chez vous. Vous portez désormais Petite Chérie, un floral-fruité simple et très naturel, d'une infinie douceur. Il n'a certes pas un sillage à creuser des tranchées, mais il est suffisamment diffusif pour qu'on vous complimente quand on vous fait la bise, et pour que vous le sentiez vous-même tout au long de la journée, comme un talisman de votre féminité, caché derrière un chemisier boutonné jusqu'en haut.
Ah, et Thomas, l'autre-jeune-cadre-qui-à-de-l'avenir, s'est détourné de Cindy l'autre jour pour vous complimenter sur votre nouveau parfum...Ce qui ne gâche rien, avouons-le !



D'ailleurs, en parlant du loup.

Vous êtes un-jeune-cadre-qui-a-de-l'avenir. Vous prenez soin de vous, vous êtes toujours à votre avantage, vous avez des dents très blanches et vous avez un nez très fin. Vous détectez le jour même lorsqu'un collègue change de parfum, et vous ne cachez pas votre joie lorsque vous reconnaissez une création de niche sur quelqu'un. Tenez, par exemple, qu'on vous croit ou non, hier vous avez découvert qu'une de vos collègues portait Petite Chérie ! Oui, parce que, bon, au bureau, tout le monde a un parfum, mais vous savez très bien que peu de gens s'en préoccupent réellement... Mais vous, être préoccupé par la question, on peut dire que vous l'êtes ! Vous avez multiplié les essais, en portant des échantillons d'à peu près toutes les marques possible. Seulement, vous êtes dépassé par les goûts de votre entourage, qui vous inonde de compliments lorsque vous portez des parfums très classiques comme Bleu de Chanel ou Le Mâle de Jean-Paul Gaultier... Et personne ne dit rien lorsque vous arborez fièrement l'échantillon de Tonka Impériale que vous avez ramené de Paris et ne sortez que pour les grandes occasions ! Alors évidemment vous êtes tiraillé entre l'idée de plaire aux autres, ou de faire un choix personnel qui ne comblerait que vous même. En bon jeune loup du marketing, vous cherchez avant tout la conciliation, et restez persuadé qu'un parfum pourrait plaire aux masses et à vous-même... Tout en reflétant l'originalité de vos goûts !
Vous avez confié votre dilemme à la gérante de la boutique Frédéric Malle, qui avec le temps (et vos visites très fréquentes) vous connait aussi bien que votre mère. D'un air assuré, elle vous a tendu un échantillon d'Une Rose d'Edouard Fléchier en prétendant que ce parfum était infiniment classe sur un homme. Et comme c'est un floral-boisé, ce n'est pas le genre de sillage qu'on croise à tous les coins de l'entreprise ! Enchanté par l'idée, vous l'avez testée chez vous d'abord et vous êtes délecté de cette rose loin d'être trop féminine ou sucrée, effectivement... Puis, un lundi matin, après vous être rasé, vous avez décidé de tester cette Rose au boulot sans prévenir personne. Mais là, catastrophe : zéro compliment dans l'ascenseur, zéro compliment dans le couloir, et le pire du pire du pire, c'était à la machine à café. Vous êtes allé dire bonjour aux filles, et le plus innocemment du monde, Cindy s'est demandé à voix haute qui avait pu avoir la stupidité de confondre son déodorant avec un désodorisant pour toilettes à la rose.
Pétasse.
Vous êtes parti aussitôt, passablement agacé par le fait que le commun des mortel ne sache pas faire la différence entre une bombe pour chiottes et de l'absolu de rose turque. Après avoir appuyé cinq fois sur le bouton de l'ascenseur, vous vous êtes retourné et avez pu surprendre Pernelle qui avançait lentement vers vous, comme un zombie, menton levé, yeux fermés, narines déployées. A l'évidence, elle vous avait suivit... Et s'est rendu compte du ridicule de sa situation après une seconde de flottement. Elle a ouvert les yeux d'un air paniqué et a bredouillé que non, elle n'était pas folle, ou plutôt si en fait, mais folle de votre parfum. Ses joues sont devenues très roses, et malgré le chignon serré et le pantalon à pinces, on aurait dit une petite fille qui attendait de se faire disputer. Vous avez souris et vous êtes dit qu'elle portait décidément Petite Chérie à ravir.
Ce fut l'occasion de parler parfum pour la première fois sérieusement avec une collègue ; elle vous a expliqué ses aventures à propos de sa propre quête du parfum idéal pour le bureau et vous a conseillé vivement de ne pas porter un parfum aussi fort qu'Une Rose, même si elle est splendide sur vous.
Quelques semaines plus tard, vous avez (peut-être ?) trouvé votre bonheur en dénichant une boutique l'Artisan Parfumeur pas loin de chez vous. Vous avez encore découvert de magnifiques parfums, très originaux, et au sillage suffisamment modeste, comme vous l'avait conseillé Pernelle. Votre cœur balance entre Méchant Loup, Voleur de Roses et Fou d'Absinthe.
Finalement, vous avez compris que vous ne cherchez pas à plaire aux masses, mais seulement à une seule personne. Vous comptez bien demander à Pernelle de vous accompagner en ville le week-end prochain, pour vous aider à choisir...



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...Et on continue avec les seniors du bureau ! Cette fois on commence par les messieurs :

Vous êtes le chef-de-service-plus-si-jeune-que-ça. Vous allez avoir cinquante ans cette année mais chut, c'est un secret. L'inconvénient, c'est que vous allez recevoir malgré tout des cartes d'anniversaire, pour vous rappeler grâce à des dessins humoristiques que vous avez "un demi-siècle dans les pattes". L'avantage, c'est que ça met définitivement fin à votre crise de la quarantaine, durant laquelle vous avez successivement tenté : de vous remettre au sport, de vous habiller à la mode "djeuns", de tromper votre petite femme avec cindy-la-secrétaire-décolorée-qui-porte-amor-amor-et-qui-vous-a-grillé-parce-que-vos-nouveaux-habits-de-djeuns-empestaient-son-parfum-quand-vous-êtes-rentré-un-soir...Et vous avez aussi essayé pas mal de nouveaux parfums visant un public jeune. Comment dire ? Vous étiez ridicule. C'est ce que disait votre femme. Et vous vous rendez compte maintenant qu'elle avait raison sur toute la ligne.
Le divorce s'est mal passé. Ça vous a donné encore plus de cheveux blancs (et pourtant, vous veniez de vous faire faire une coloration au niveau des tempes !). Mais vous avez décidé de les garder, cette fois-ci. Après tout, George Clooney n'est pas de la toute première fraicheur non plus, et il est réputé pour être l'homme le plus sexy de la planète. Vous avez décidé d'accepter de vieillir. Enfin. Alors vous avez donné vos nouveaux habits flashy à une association. Fini les t-shirts à inscriptions anglophones, finis les jeans trop serrés, finies les baskets blanches tendances... Place à une garde robe plus mature, plus classique, et plus sombre aussi. Plus classe, quoi. Voilà. Classe. C'est le mot d'ordre de la cinquantaine.

Vous soupirez en épiant Pernelle et Thomas qui flirtent devant la machine à café. Tous jeunes et tous beaux. Ils sentent bon, aussi, vous l'avez souvent remarqué. Tiens, ça vous rappelle que vous n'avez plus de parfum. Vous avez donné à vos fils les derniers flacons que vous avez acheté (Lolita Lempicka au Masculin, Black XS pour Homme et One Million). Vous avez honte, rétrospectivement, d'avoir pu porter des parfums aussi forts et aussi sucrés pour venir au travail (et vous les portiez même l'été, quelle abomination). Mais vous n'avez pas spécialement envie de retourner à votre vieille Eau Sauvage, qui vous a accompagné exactement le temps qu'a duré votre mariage avec votre ex-femme. Ça vous rappellerais trop de mauvais souvenirs.
Au Séphora, les jolies jeunes vendeuses vous ont conduit vers Terre d'Hermès et Habit Rouge, mais non, non, non, pas question de porter la même chose que les collègues hein. Elles vous ont ensuite guidé vers Play de Givenchy (un peu trop plat), Bleu de Chanel (un peu trop passe-partout), Allure Homme Sport (c'est le parfum de votre prof de tennis) et Azzaro pour Homme (c'était le parfum de votre patron au temps où vous même étiez un jeune-cadre-plein-d'avenir...). Vous n'avez rien acheté, mais êtes sortis avec les poches pleins d'échantillons de Chanel N*5 ("pour votre femme" s'est exclamée la vendeuse en vous lançant un clin d'œil et en vous les fourrant dans la paume). Revenez avec elle, elle vous aidera à choisir, qu'elle disait.
Poubelle.

Ce matin là, pendant la pause café, Thomas et Pernelle se sont éclipsés un peu avant les autres. En les regardant s'éloigner main dans la main, Cindy s'est exclamée, sans chercher à être discrète, qu'elle était très contente que Thomas assume enfin son homosexualité. Hilarité générale de la gent masculine présente. Vous vous êtes levé et êtes allé rejoindre vos deux employés amoureux et amoureux du parfum, avec la ferme intention d'aller éclaircir un point. Thomas avait porté un parfum à la rose, quelques jours plus tôt, un parfum que vous, le chef-de-service-plus-si-jeune-que-ça , auriez pu reconnaitre entre mille.

Une Rose ?
Oui, c'est ça. Le parfum de la nouvelle femme de votre ex-patron, ça, jamais vous ne l'oublierez. C'était il y a vingt-sept ans, et les vestiges de cette aventure sont rapportées dans l'histoire des fleurs du malle.
  • Vous voulez peut-être que je vous accompagne à la boutique Frédéric Malle, pour la retrouver ? Elle est veuve depuis très longtemps, maintenant...Et vous, vous avez divorcé, alors...
  • C'est tentant Thomas, mais ça ira. Transmettez lui tout de même mes amitiés.

Vous saviez pertinemment que ce genre de femme, c'est elles qui vous trouvent et pas l'inverse. Donc un jour, peut-être...Mais pas comme ça.
Bon, assez parlé du passé et de votre vie amoureuse désastreuse, vous étiez venu demander conseil à vos deux employés très au parfum ! Ils se sont aussitôt excités comme des puces, comme seuls de vrais perfumista savent le faire lorsqu'il s'agit de conseiller un ami pour choisir un nouveau parfum. Thomas s'est aussitôt exclamé qu'il vous aurait toujours bien vu en Vétiver Extraordinaire, très vite approuvé par Pernelle. Pourquoi pas. Le vétiver, c'est in. Et pas trop "djeuns". Et classe. Très cinquantaine, quoi ! Pourquoi pas, pourquoi pas. Ah mais non ! C'est de chez Frédéric Malle. Autre chose ? Celui de Guerlain ? Ah non, vous n'aimez pas du tout celui de Guerlain. Celui de Chanel ? Trop cher. Celui d'Annick Goutal ?
Annick qui ?

Le week end suivant, Pernelle vous a accompagné chez cette fameuse Annick goutal (elle devait s'acheter un nouveau flacon de Petit Chérie, de toute façon). Très excité par la gamme, vous avez eu un coup de coeur MONUMENTAL pour Sables (original, intelligent, brillant, complexe, beau, il se démarque, bref c'est tout à fait VOUS ça !............Enfin, d'après vous, quoi). Vous l'auriez acheté sur le champs si Pernelle ne vous avait pas aggripé le bras, avec un regard suppliant et les mots "pas pour le bureau" sur les lèvres. C'est vrai qu'il est fort, quand même. Tant pis, celui là, ce sera pour le week end. Et puis, à vrai dire, c'est bientôt l'été...
Tiens, c'est quoi ça ?
L'Eau d'Hadrien. (Pernelle levait les deux pouces).
Pshiit.
Mmmmmmh. Très... Classe !

Il faudra montrer ça à votre amie Emma. Enfin, dans trois ans, quand elle reviendra de son congé maternité quoi...
Ah ? elle revient déjà ..?





Vous êtes une jeune-maman-qui-travaille-aussi. Vous jonglez entre le bureau, la maison et la crèche, entre les biberons, les couches et les dossiers. Et vous vous en sortez plutôt bien, sans vouloir vous vanter... Il faut dire qu'être Maman, ce n'est pas complètement une nouveauté dans votre vie, alors l'arrivée de votre petite fille a apporté son lot de joie sans tous les inconvénients qui y sont liés par manque d'habitude. La fibre maternelle, vous l'avez toujours eu, et d'ailleurs on vous surnomme dans votre dos "la maman de l'entreprise", et ça vous fais beaucoup sourire. Vous aimez vraiment aider les autres, et vous avez été désolée d'apprendre que vous étiez en congé maternité au moment où Paul était en instance de divorce. Heureusement, Pernelle et Thomas, vos deux petits protégés, se sont occupés de lui à ce qu'on vous a dit, et aujourd'hui, il a enfin retrouvé le sourire. Vous êtes très fière de ces deux poussins, et avez pleuré de joie quand Pernelle vous a annoncé qu'ils sortaient ensemble aujourd'hui. C'est vrai qu'ils reviennent de loin. Vous vous souvenez comme si c'était hier des débuts désastreux de la belle petite Pernelle, qui a dû subir pendant un an des harcèlements sexuels de son chef de stage avant de craquer et de venir vous en parler. C'est à partir de ce jour là que vous l'avez pris sous votre aile ; vous l'avez aidé à remplir les procédures judiciaires, vous l'avez accompagné au tribunal, vous êtes allée avec elle lui acheter de nouveaux habits, dans lesquels elle se sentirait plus en sécurité pour venir travailler. Vous lui avez conseillé de s'endurcir... C'est ce qu'elle a réussis à faire, mais elle n'a fréquenté aucun jeune homme depuis cet évènement. Vous avez eu tellement peur pour elle ! Et maintenant, elle a trouvé Thomas. Elle n'aurait pas pu tomber mieux. C'est un trésor. A son arrivée dans l'entreprise, il ne savait pas encore bien s'habiller et portait toujours un appareil dentaire...(Olala vous avez sûrement une photo qui traine quelque part, il faudra penser à la ressortir un de ces jours)...Vous lui avez appris à faire son premier nœud de cravate, et aujourd'hui il pourrait en donner des cours ! Le vilain petit canard s'est changé en cygne, mais ce qui fait toute sa valeur, c'est qu'il n'a jamais été vaniteux ou narcissique. Sur ce point, il se démarque de bon nombre de ses collègues...
Ah ça y est, c'est enfin l'heure. Vous avez droit à des horaires aménagés depuis que vous êtes revenue travailler, et pouvez donc aller chercher votre petit cœur à la crèche tous les jours à 17 heures. Vous rangez votre bureau, enfilez votre manteau, mais avant de partir : vous vous saisissez du flacon d'Un Matin d'Orage que vous cachez dans le tiroir du bas. C'est devenu un rituel, désormais. Vous avez porté Matin d'Orage en abondance durant votre grossesse, si bien que vous l'associez inexorablement à votre petite fille...Et nul doute qu'elle aussi vous associe à cette odeur, c'est incroyable comme ce parfum peut réussir à la calmer si vous en vaporisez un peu sur son doudou ! Mais pour rien au monde vous ne viendriez travailler en portant un parfum aussi personnel, ce serait presque impudique... C'est pour cette raison que dans le tiroir du haut, vous conservez Infusion de Tubéreuse, de Prada. Le matin en arrivant, vous vous en vaporisez un peu derrière les oreilles, et c'est comme si vous enfiliez un masque de femme d'affaire en tailleur noir ! Une tubéreuse impeccable comme une savonnette, lumineuse comme un rayon de soleil, et pas trop diffusive. Ce qui vous plait le plus dans ce parfum, c'est la faible tenue qui vous permet de changer de parfum en fin d'après-midi. Vous avez plusieurs rôles, vous êtes multiple, et vous avez compris depuis longtemps que vous appréciez encore plus vos parfums quand ils reflètent un aspect de votre personnalité.

  • Bon tout le monde à demain, bonne soirée !
  • Embrasse la petite pour nous !






Un peu plus tard, à la machine à café...

  • *snif snif *... Hmm ? Quelqu'un porte Angel ? Clara, c'est toi ?
  • Non, pas du tout.
  • Qui ça alors ?
  • ...?
  • ...?
  • ...?
  • ...Personne je pense... Mais tu n'hallucines pas, je le sens aussi, moi.
  • Moi aussi.
  • Ouai, moi aussi.

Haussement d'épaules général.
Trente secondes plus tard, Cindy entra en trombes dans l'espace-détente, avec la tête des bonnes nouvelles.

  • Hey tout le monde ! Devinez quoiiii ! J'ai ENFIN changé de parfum, mais wahou, ça change beaucoup de mon Amor Amor, vous allez êtes surpris, allez, devinez c'est quoi, devinez c'est quoi !
  • Nous donnons tous notre langue au chat, Cindy...
  • ANGEL ! Il me correspond si bien ! Je crois que j'ai trouvé MON parfum, celui qui reflète ma personnalité et est au plus proche de mon âme !
  • Ah, ma Cindy, s'exclama Pernelle en cachant son nez dans son chemisier. Toujours aussi imprévisible, une vraie joueuse de poker...

(Mon nez à couper que l'an prochain, elle nous fera exactement la même scène après s'être douchée avec FlowerBomb).




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Bon, cet article n'est pas aussi centré sur les parfums que je l'aurais voulu, mais de toute façon quand on dresse une liste de parfums, le plus intéressant se passe dans les commentaires !
.......Donc voilà, VOUS vos parfums de bureau, c'est quoi ? =)




(PS : inutile, mais j'ai pas réussi à le caser dans l'article... Pour ceux qui se demandaient, Pernelle a beaucoup aimé Voleur de Rose chez l'Artisan, donc c'est celui là que Thomas a pris bien sûr !)