mardi 24 mai 2011

(Ceci n'est pas un article) Amour, parfums et cigarettes : une histoire d'addictions.

Par Phoebus.

       J'ai écris cette nouvelle entre deux séances de révision pendant le mois de mai, et ça a donné quelque chose de plutôt sérieux donc tant qu'à faire... Autant vous la montrer ? C'est une réflexion sur les addictions, à travers la relation qui lie deux personnages (l'un des deux étant la Pernelle de l'article sur les histoires de parfums pour le bureau, perfumista notoire). Enfin bref, si vous avez du temps et si vous voulez savoir comment les parfums peuvent sauver quelqu'un... Bonne lecture !
(PS : les clichés des premiers paragraphes s'envolent très vite, rassurez-vous).




          La cigarette du matin, c'est celle qui m'a le plus manqué, au début. Sans rire, j'en rêvais la nuit parfois. Et de frustration, arrivé au point du rêve où l'on comprend qu'on est en train de rêver, que le feu dans les poumons est factice, factice l'odeur de la fumée, imaginaire le nez qui pique, c'est le réveil, c'est le manque. C'est moi, droit comme un I dans mon lit, les yeux grand ouverts, faisant la navette entre le plafond, le radio-réveil, le plafond. J'attends 7H00. 7H00 ne vient pas. Le plafond.

         Je gratte le matelas du bout des ongles, je tortille des orteils, je m'en rend compte, j'arrête tout de suite. Pernelle dort à côté.
7H00, c'est pour elle. Pas pour moi. Elle, elle travaille. Elle ne rêve pas de se cramer les poumons. Pernelle, elle rêve de smileys, de poneys, d'arc en ciels. De parfums, aussi, je crois, c'est elle qui le dit. Elle se parfume toujours avant d'aller dormir, ça doit aider. Elle a un tiroir où elle entasse tous ses échantillons (je ne sais pas très bien comment elle se les procure, tu me fileras l'adresse de ton dealer que je lui dis des fois, et elle me fusille du regard - même pour rire elle ne veut plus que j'évoque le fantôme de mes années sombres). Les échantillons, donc, c'est son rituel, elle en prend un au hasard dans sa boite en fer forgé après la douche, avant de se glisser sous la couette. Le creux des coudes, les poignets, le cou – sa sainte trinité. Les coudes et les poignets, c'est pour elle, évidemment et c'est très drôle de la voir se contorsioner subitement toutes les trente secondes ; comme prise d'une impulsion souveraine, elle se bat avec les draps pour qu'enfin, ENFIN elle puisse renifler son poignet. Et soupirer d'aise. Et sourire niaisement. Une bonne trentaine de fois avant qu'elle ne s'endorme – et que je puisse aussi m'endormir à mon tour...
       Mais le cou ? Le cou, c'est pour moi.

       J'ai mis du temps à le comprendre. Sans doute parce que je n'ai retrouvé l'usage de mon odorat que très, très récemment. Après des années passées à m'auto-détruire consciencieusement, j'ai rencontré Pernelle. Elle avait la volonté que je n'avais pas de me reconstruire pierre par pierre. De me nourrir pour adoucir les angles de mes côtes et de mes pommettes. De rafistoler ce qu'il y avait à rafistoler. De passer un coup de fil à mes parents à Noël. Mais pour mon odorat, Ô mon odorat. Elle était catastrophée, elle a pleuré pendant des heures quand je lui ai dit que je ne sentais plus rien depuis longtemps. Pour elle, qui éprouvait une empathie disproportionnée envers ces chats d'Amérique Latine à qui on coupe les moustaches, c'était inconcevable, terrible. Alors on a vu un doc pour ça. Elle m'a fait toute une scène, moi je m'en fichais, à quoi bon, tu sais, ce que j'ai oublié ne peux pas me manquer, et puis c'est cher et puis et puis.

       J'ai cédé, elle m'a convaincu. On l'a vu. Et il n'y a rien à faire Monsieur, je suis désolé pour vous. Prenez donc une brochure : "C'est un pic, c'est un cap, et ça ne sert plus à rien : apprendre à vivre sans odorat".

Une fois dehors.
  • tu vois.
  • Je vois quoi.
  • Je te l'avais dis, glissai-je entre deux nuages gris désabusés.
      Je savourais ma cigarette, ma victoire, son amertume – maigre consolation, il me restait le sens du goût.


       Mais le cou, donc.
Un matin, 7H00 nous a réveillé tous les deux (une époque pas si lointaine où je dormais encore comme une loutre). Comme en fait il était sept heures moins cinq, une idée de Pernelle, ça nous laissais cinq minutes pour trainasser, maugréer, se câliner et bâiller. Tout ça à la fois sur fond de crachotement radiophonique mal réglé. Hit miousique on' lit.
Sauf que. Sauf que ce matin. Ce matin donc. Je l'ai appelé Josy.

       Blanc. Regard torve. L'air de dire, hum, t'es pas crédible dans le rôle de l'homme à femme qui mélange le nom de ses conquêtes, et puis t'es pas drôle. Et va te brosser les dents si tu veux continuer à m'embrasser. Elle s'est levé, je l'ai retenu par un pan de drap, déboussolé, j'ai plongé la tête dans son cou, elle m'a repoussé, tu sais bien que j'ai pas le temps je vais être en retard au. Je l'ai coupé.

  • Tu portes Shalimar ! Je me suis écrié.

       C'était léger, étrange, translucide, le fantôme d'une sensation que je n'avais plus connu depuis longtemps. L'impression que l'air autour du cou de Pernelle avait un peu plus de relief, un peu plus de teinte. Un accord qui résonnait en moi, lointain, familier. Une vision s'est imposée à moi : celle de ma tante Josy, qui n'était pas ma tante en fait mais bref, Josy qui me gardait pendant que mes parents travaillaient à l'Elysée, Josy très dadame, avec son manteau Léopard, ses godillots dorés, sa permanente pour avoir les cheveux très bouclés. Josy, toujours flanquée de ces deux choses qui ne la quittaient jamais et la suivaient partout, même aux toilettes : Amadeus (son yorkshire nain blond, grand vainqueur du concour canin la truffe d'or de 1984 à 1987) et le puissant parfum qui imbibait le col de son manteau en imprimé-léopard : Shalimar.

  • Oui, oui, souffla Pernelle, la voix blanche. Tu as reconnu ? (C'est pas une blague ? Non ?). Mais alors... Ca veut dire que tu peux ? Tu peux encore ..?
  • Il semblerait...

       Je n'étais pas certain, c'était si léger, mais je n'ai pas pu penser à Shalimar par hasard, il devait bien y avoir un lien de cause à effet, non ? De son côté, Pernelle exultait, je l'ai même entendu chanter sous la douche, et elle m'a gratifié d'un "on en reparlera ce soir" avant de refermer la porte d'entrée avec énergie.

       J'ai essayé de me rendormir, en vain. Étendu en diagonale sur le lit, j'avais parfois des rictus, comme des spasmes en réalisant qu'un parfum était venu chatouiller mes narines quelques instants plus tôt, après toutes ces années d'anosmie intersidérale. Je n'arrivais plus à me focaliser sur autre chose, je visualisais des volutes ocres, mordorées, oranges et Terre de Sienne, qui se mélangeaient sans s'altérer, dans une harmonie parfaite. Sans ambition précise, je me suis installé dans la pièce de l'appartement de Pernelle qui me servait d'atelier, et après avoir dégagé toutes les toiles inachevées qui encombraient l'espace, j'en ai pris une nouvelle pour tenter de coucher mes souvenirs en peinture.
       L'abstrait n'est pas vraiment le genre que je maitrise le plus mais cela faisait vraiment longtemps que je n'avais pas terminé une toile – et encore moins en aussi peu de temps !

       Un peu plus tard, une idée commençait à me démanger. Je suis sortit dehors, et en chemin je repensais au sourire de Pernelle. Je devinais que la perspective de pouvoir partager avec moi sa passion pour la parfumerie allais sans doute la rendre aussi sautillante et excitée qu'Amadeus (du moins avant que je ne lui marche dessus par inadvertance en 1988, après il ne sautillait plus le pauvre, n'a plus remporté aucun concours et mes parents ont dû engager une autre nounou - mais je ne marcherai jamais sur Pernelle).
       Je jetai mon mégot avant d'entrer dans une boulangerie.

       J'en suis ressortit déçu, et avec deux-baguettes-pas-trop-cuites-s'il-vous-plait.
       Quelque part, je m'attendais...Hé bien je m'attendais à sentir le pain. Mais non. L'air était neutre, sans teinte ni relief, comme partout où je vais depuis...Oh je ne sais plus depuis combien de temps je suis anosmique. Longtemps.
J'ai toujours déclaré que mon sens de l'odorat ne me manquait pas. Ne pas pouvoir identifier la mare stagnant entre deux bennes à ordures débordantes comme étant de l'urine ... est d'ailleurs plutôt utile quand tu dois te réfugier deux fois par nuit dans une ruelle étroite pour utiliser ton matos tranquille. Et puis les parfums, honnêtement, je ne m'y suis jamais intéressé, c'est un luxe de gonzesses. Je ne suis jamais entré dans un Sephora de ma vie – Dieu m'en préserve. Alors bon, mon odorat...
       Seulement, il y a des odeurs auxquelles j'étais attaché. Celle du pain chaud, je m'en rappelle, c'était l'une de mes préférées. J'aimais aussi tondre l'herbe devant chez mes parents pour sentir cette odeur verte un peu désagréable, qui finissait par me faire éternuer. Le white spirit. Les tubes de gouache. Les fusains. Et le café. Et le tabac. Oh oui, j'adorais l'odeur des paquets de cigarette.


Mon odorat me manque.


       L'après-midi, je suis partit en expédition dans la boite en fer-forgé de Pernelle. Je l'ai jeté sur le lit, clang, avant de sauter la rejoindre (re-clang). Allongé sur le ventre, la tête dans la boite, j'extrayais un à un les petits flacons, en examinais la couleur, les débouchonnais consciencieusement, les reniflais, RIEN, remettais le bouchon et rebelote.
       J'avais gardé le petit flacon orné d'une étiquette où on distinguait tant bien que mal "Shalimar" pour la fin. Mais, non, rien, cette fois pas de tante Josy à l'horizon. Cette fois c'est plat, aussi plat que le reste. Shalimar est tristement allé rejoindre l'immense pile des "ça sent pas". Il n'y avait rien du côté "ça sent". J'avais donc fabulé ce matin. J'avais peut-être entendu Pernelle parler de Shalimar la veille, sans vraiment écouter, et m'en suis rappelé inconsciemment au réveil et... Bon sang je resterai anosmique pour toujours.
       Je n'avais pas la force de me lever pour me cogner la tête contre les murs. Alors j'ai pris mon oreiller et l'ai plaqué sur mon visage pour étouffer ma plainte.

       Quelques heures plus tard, Pernelle est rentrée en sonnant les clairons, les poches débordantes de mouillettes qu'elle tenait à me faire sentir, parce que bon, ho, là, faudrait quand même sérieusement songer à me trouver un parfum, le déodorant axe ça va bien cinq minutes.

       Je ne pouvais pas lui répondre, le visage écrasé contre l'oreiller, et je ne voulais pas retirer l'oreiller parce que...Je transpirais des yeux. On va dire. Mais Dieu merci, elle a percuté toute seule. Je l'ai entendu poser son sac, faire couler le robinet, se moucher, feuilleter un magazine, trainer les pieds jusqu'à moi, tout ranger dans sa boite en fer forgé, ranger la boite, s'assoir à côté de moi, se taire un instant.

  • Tu...Tu veux que je te fasse à manger ? (Elle rectifia :) Remue les pieds si tu veux que je te fasse à manger.

       Je me suis raidit davantage.


*****

       Mais en fait – et la prise de conscience est venue bien plus tard, des semaines après cette journée – j'étais en mesure de récupérer mon odorat très facilement. Depuis longtemps. C'était tout bête : je devais arrêter de fumer.
       J'ai toujours fumé comme un pompier, mais ça Pée ne le considérait pas comme un danger direct pour notre histoire. Lorsqu'elle m'a relevé d'une poigne de fer par le col, Pernelle m'a lancé un ultimatum, c'était elle OU toutes les joyeusetés qui transformaient mon cerveau en coton. Étrangement, ça n'a pas été si dur de tirer sur la chasse d'eau en guise de verdict (oui parce qu'elle avait de toute façon jeté le contenu de mes petit sachets plastiques dans la cuvette). Dans la zone de mon cerveau qui contrôle les addictions, ce n'était pas vraiment un choix, c'était plutôt une substitution. Ce n'était pas elle ou, mais elle à la place de. Je suis vraiment devenu dingue d'elle à partir de ce moment là.

       Sauf qu'une ligne ne vous rend anosmique que l'espace de 48 heures. Et que nous sortons ensemble depuis presque deux ans. Si on fait le calcul...

       Un matin, 7H00 ect, vous connaissez la chanson, hit miousique on'lit, avance rapide jusqu'au câlin-bonjour, alors que j'étais incroyablement dans le coltard, j'ai demandé à ma petite Pée clochette si c'était elle qui avait eu l'adorable idée de faire griller des toasts.
       En guise de réponse, elle a faillit s'étrangler avant de m'avouer d'une voix prudente et un peu plus aiguë que d'habitude, qu'elle portait .... (suspense)... Jeux de Peau (et moi de la regarder comme une poule devant un couteau ; il a fallu qu'elle m'explique plusieurs fois qu'un mec avait récemment eu l'idée de faire un parfum à la brioche avant que je ne la rejoigne dans un rire nerveux).
       Hé, finalement, je l'ai eu mon odeur de boulangerie...

       Mais cette fois-ci, je ne me suis pas emballé, j'ai profité de l'instant (Pernelle est arrivée en retard au travail d'ailleurs). Je n'ai pas cherché à me dire que j'avais recouvré mon sens de l'odorat de façon définitive, pour ne plus tomber de haut.
Cette fois encore, je me suis installé dans mon atelier, et la chose que je désirais le plus au monde à ce moment là, c'était de peindre une jolie brioche avec de la peinture à l'huile. Bien texturée, la brioche. Légèrement carbonisée...

       Hmm ?

       Carbonisée, carbone, brûler, fumée, feu, tabac, cigarette : l'esprit humain est un peu étrange, il peut s'obstiner à ne pas voir ce qui est sous son nez pendant des années, et il suffit parfois d'un seul mot pour déclencher une cascade d'associations d'idées. En l'espèce, je ne sais pas très bien comment je suis passé de la brioche brûlée que j'étais en train de peindre, au fait qu'hier soir, par manque de provision, je n'ai pas eu ma dose de feu, mais toujours est-il que ça c'est fait. Et que les même facteurs étaient réunis pour le matin-shalimar.
Victoire ?

       C'est ainsi que j'ai pris la décision un peu abrupte d'arrêter de fumer complètement. Comme ça, du jour au lendemain, de deux paquets par jour à rien. Tous nos amis nous ont dit que c'était impossible, et j'aurais pensé pareil qu'eux, il y a quelques temps. Mais mon désir de retrouver mon sens de l'odorat était si fort que... Qu'il fallait que j'essaye... Bon, je l'accorde, c'était vraiment -- vraiment vraiment vraiment – dur, même avec les patchs et tous ces trucs que Pernelle a prit pour moi à la pharmacie (les chewing-gums pour arrêter de fumer ont un goût atroce). J'ai commencé à avoir des insomnies.

       Mais chaque fois que je regardais le plafond en attendant 7H00, je ne pouvais pas m'en vouloir parce que... Ça fonctionnait.

       Telle une Shéhérazade, Pernelle me racontait une nouvelle histoire chaque matin grâce à ses parfums. Et tous les matins, je sentais effectivement quelque chose. Chaque jour un peu plus, un peu mieux. C'est la curiosité qui m'empêchait d'exploser (car le manque, sa douleur, et tous ses symptômes venaient malheureusement noircir le tableau).
       Mais je tenais bon. Et je m'émerveillais de cette dimension invisible que je découvrais peu à peu.


  • Tu vas enfin savoir ce que je sens tous les jours, m'annonça Pernelle, un soir.
Et le lendemain je découvrais Petite Chérie dans son cou. Une adorable odeur de...Poire ? J'ai bon ? Il te va à ravir !

  • Celui-ci, je n'aime pas trop personnellement mais il devrait te plaire.
Et le lendemain je découvrais M/Mink, mon premier "coup de cœur" comme dirait Pernelle, quelque chose de furieusement glacé, aigu, animal, ... Qui me rappelait de façon saisissante mon atelier.

  • Je ne te dis rien pour celui ci.
Et le lendemain, je sentais dans le cou de cette traitresse Arpège, le parfum de ma mère, à qui je n'avais pas parlé depuis une dizaine d'année. Je ne l'avais certes pas beaucoup vu dans mon enfance, à cause de son travail, mais son parfum est tout de même resté ancré quelque part dans un coin de ma tête...
(Le surlendemain, je l'ai appelé... Je n'avais plus entendu le son de sa voix depuis le jour de mes 18 ans, quand j'ai quitté la maison. J'ai beaucoup transpiré des yeux ce jour là. On a passé le Noël suivant chez mes parents).

       Mais mon préféré de tous, j'y ai eu droit le matin de mon anniversaire.
    • Je suis dingue de celui ci.
       Et elle m'a avoué n'avoir rien mit.



*****


       L'histoire aurait pu s'arrêter sur cet Happy End. Mais la vie n'est pas une photographie et continue de valser avec son lot de surprises, bonnes ou mauvaises...

       J'ai recontacté mon ancien agent. Il a adoré mes dernières toiles, celles que m'ont inspiré les parfums. Je suis de nouveau exposé à Paris (7H00, désormais, c'est aussi pour moi), et la pièce-maitresse de la collection, un immense abstrait sombre un peu psychédélique, est en fait un visuel de l'odeur de Pernelle.

       Je comptais le lui avouer le jour du vernissage, et la demander en mariage le soir même. Mais elle m'a quitté la veille. "Je vois quelqu'un d'autre. Qui a besoin de moi. Toi, ce n'est plus le cas. Et tu le sais. Et c'est formidable. Si tu m'oublies, tu oublieras aussi qui tu étais avant".

       Il était clair que nous n'avions pas du tout la même philosophie. Pour moi... Dur à expliquer, mais quand on a besoin de quelque chose, en fait, on a juste besoin. Le quelque chose n'est que la variable de l'équation. Tout est remplaçable, pourvu que l'intensité du besoin reste comblée. J'ai troqué la cigarette contre les parfums, tout comme j'avais troqué le crack contre Pernelle.
       Alors quoi ? Si j'ai repris le crack, c'est pour elle ou pour moi ? Pour qu'elle revienne, ou parce qu'elle est partie ?

       Sans doute les deux...

dimanche 22 mai 2011

Cailloux, Cologne, Cocoon

Et c'est parti... mardi, 6h30, Dr Jicky embarque pour une destination surement passionnante : les cailloux. 1ère Scientifique oblige, le programme conseille vivement (pour pas dire force) à faire un voyage dans le monde passionnant de la géologie (pour ma part, la filière scientifique m'a appris ceci : je ne serai JAMAIS géologue). A moi les basaltes en coussins, les feldspaths plagioclase et les joies du rifting !

G. Moreau, Orphée - L'aspect minéral est, je trouve, très présent...

Sauf que, eh eh, c'était sans compter THE élément du voyage : le parfum ! Que faire ? Porter un parfum minéral ? Pourquoi pas. Sauf que de là, a découlé une petite réflexion : les parfums que l'on qualifie de minéraux sont-ils vraiment minéraux ? Pour ma part, la minéralité en parfum joue souvent sur la couleur noire. L'Heure Mystérieuse en chef de file, mais M/Mink aussi, ce noir propre, ou encore Serge Noire le suivent de peu. Un aspect lisse et froid qui se dégage d'une composition au premier abord assez difficile. Après, j'ai pensé à cet article bien senti sur Terre d'Hermès, et l'aspect minéral du parfum. Là, je reste assez sur ma faim, car étrangement, Terre d'Hermès m'évoque plus l'élément aérien que l'univers terreux.
Et de Fille en Aiguille, j'en suis venu à une autre réflexion : les familles olfactives. L'année dernière, Thierry Mugler a jeté un camion dans la mare avec son bolide Womanity, Prix (mérité) des Parfumeurs 2011, avec l'innovation d'une nouvelle famille : les salés. Bon, le résultat est là, flagrant ou non, mais je m'étais dit "de toute manière, il reste quoi à inventer en parfums ?". Et je pense que la réponse est là ! Le minéral ! Qu'est-ce qu'on pourrait créer autour du cristal, de la roche, de l'effritement, de l'érosion, des montagnes, et ce de manière significative ?

Personnellement, à par ceux là, pour le moment, je ne vois pas de composition extrêmement minérale, et dont l'optique est purement axée "cailloux". Une piste à explorer dans le domaine olfactif... dans la mesure du possible !

C'est pourquoi je me suis rabattu, faute d'évidence devant une chère et tendre personne, que vous avez pu admirer sur ma wish list depuis... des lustres : La Cologne de Mugler ! Tout simplement une révolution ! On aurait presque l'impression que tout part d'elle dans le domaine de l'eau de toilette fraîche, verte et musquée, tout en subtilité, ténacité et complexité. Elle m'accompagnera durant ascensions et explorations minérales, et je l'espère avec soutien et allégresse ! Je pense reparler d'elle un peu plus tard...

La Cologne de Mugler (ici escortée par A Scent bouteille verte et Vétiver)

Mais... car mais il y a, je ne fais pas un "petit" mot d'absence pour seulement quelques jours éloigné du monde des parfums (mais qui sait, si ça se trouve y'aura des chevrotins avec plein de musc ? :D !), car après je pars... à Londres :D ! (l'avantage d'être dans une classe de littéraires !). Donc, tout ça pour dire que vous ne me reverrez pas avant... euh... une semaine facile ? Et que prochainement, vous aurez enfin le plaisir de retrouver Phoebus, si tout se passe bien ! Pour Londres, mon choix ne s'est pas encore arrêté, mais autant rester dans l'esprit "cocoon" de la Cologne de Mugler. Ou pourquoi pas Féminité du Bois tient... oui, c'est pas con comme idée ! Je pense que je vais faire comme ça !

Bon, je vous laisse ainsi, méditer sur la minéralité en parfum, et ma vie passionnante, je vous dis à bientôt et... Vive l'odorat !
J.

jeudi 19 mai 2011

Céline Verleure, d'Olfactive Studio pour J&P !

Nous vous en parlions ici, la marque Olfactive Studio est sur sa dernière ligne droite. Les essais sont presque tous réalisés, les choix se resserrent et le lancement approche à grand pas !

Petit récapitulatif : "Olfactive Studio est une rencontre entre la photographie artistique contemporaine et la parfumerie, entre l’œil et le nez. Olfactive Studio est au croisement du Studio Photo et du Studio de création. Pour la première fois, des parfumeurs rencontrent des photographes et s’inspirent de leurs œuvres. Ils res-sentent les images pour en saisir l’essence.

Car en effet, c'est bien de l'univers de la photo que s'inspire Olfactive Studio !  Rien que pour vous (et en exclusivité j'ai envie de rajouter pour me la péter), voici l'interview de la créatrice de la marque : Céline Verleure !

Enjoy ;)

1/ Olfactive Studio, l’idée, elle sort de quelle pellicule ?

C’est une idée que j’ai depuis longtemps d’associer photographie et parfum. Quand j’étais directrice du marketing de Kenzo Parfums, j’avais déjà eu envie d’imprimer le visuel de chaque parfum sur chaque packaging pour qu'on associe le parfum avec la photo vue dans la pub.

Dans le cas d’Olfactive Studio, l’idée va beaucoup plus loin car c’est la photo qui inspire le parfum et qui a été notre principal brief et la source d’inspiration pour les parfumeurs. Je leur ai également donné une liste de mots clés, associés à l’imaginaire de chaque nom de parfum, mot-clés sur lesquels nous avons brainstormé sur le blog.

Visuel pour "Autoportrait"

2/ Flacon, noms, ok ça c’est fait. Tu peux nous parler à propos de ce qui semble le plus important à nos yeux : les parfums en tant que tels ?

J’ai senti, avec les fans qui m’ont accompagnée à chaque rendez-vous avec les parfumeurs de Mane, Robertet et Firmenich, plus de 35 propositions en fonction des 3 briefs de parfums que nous avions faits pour Autoportrait, Chambre Noire et Still Life. J’en ai pré-selectionné 6 essais que j’ai fait retravailler légèrement sur la concentration et le dosage de certaines notes.
Ce sont ces 6 essais aboutis que j’ai fait découvrir aux fans lors de 3 rencontres olfactives (la dernière est prévue le 25 mai à Paris, vous pouvez encore vous inscrire).

Et voici les 6 parfums nominés

3 essais mixtes pour AUTOPORTRAIT :
- "Tea Wood" de Dora Arnaud, Firmenich : Thé Darjeeling et bois avec un soupçon de farine de chataigne

- Autoportrait 2 de Dorothée Piot, Robertet : boisé-épicé avec une note de cardamome et iris

- "Noir" de Nathalie Lorson, Firmenich : un parfum boisé profond (cèdre) à multiples facettes (élémi, encens, benjoin...)

1 nominé pour CHAMBRE NOIRE :

- "Chambre Noire 5" de Dorothée Piot, Robertet : un boisé-épicé sensuel avec une note cuir arrondie par le pruneau


2 parfums nominés pour STILL LIFE :

- "Moss" de Dora Arnaud, Firmenich : la mousse de chêne en guest star, transpercée par un accord glacé et fruité

- "Yuzu Temple" de Dora Arnaud : un Cocktail festif de Yuzu (agrume japonais) piqué de poivres rares, de Rhum et de bois chauds

Au vu de tous les commentaires et émotions annotées par les fans lors de ces rencontres olfactives, je prendrai la décision finale des 3 parfums sélectionnés avant fin mai pour rentrer en fabrication (macération puis mise en flacon) et sortir la gamme mi septembre.

[Note de Jicky : nan mais c'est simple, Noir est tout simplement THE parfum qu'il faut ! ;) ]

3/ Le groupe, ça c’est passé comment ? Et il va évoluer comment ?

C’était une grande première de dévoiler aux internautes les coulisses de la création d’une marque de parfums et de leur donner la parole sur tous les choix artistiques. J’ai été agréablement surprise du nombre de fans croissant de manière rapide, surtout au début ou l’aventure était très virtuelle (avant les maquettes). Cela m’a encouragé à poursuivre l’aventure jusqu’au lancement prochain.

Le groupe est composé de passionnés de parfums, de blogueurs, de distributeurs et de points de vente dans le monde entier. Il y a aussi de simples fans qui s’y connaissent moins en parfum et participent surtout en disant J’aime/j’aime pas mais c’est intéressant aussi. Suivant les sujets (concept, noms, packaging, jus) le groupe a plus ou moins participé, plus ou moins été créatif, le sujet qui a le plus passionné étant de choisir le nom des parfums !

Le groupe va continuer à vivre après le lancement comme un espace d’expression mutuel, j’aime y parler de parfum en général. J’ai le projet de lancer une nouvelle création chaque année et le groupe sera à nouveau sollicité pour chaque nouvelle création et sentir les nouvelles propositions de parfums pour m’aider à les choisir.

4/ Quels sont tes critères de choix olfactifs ?

J’aime les parfums qui ont du caractère (J’ai créé en 1996 le parfum Kenzo Jungle avec Dominique Ropion). J’ai un faible pour les parfums boisés, épicés, profonds et chaleureux, et j’ai l’habitude de porter Fille en Aiguille et Féminité du Bois, de Serge Lutens, ou encore Un Jardin en Méditerranée, d’Hermès. J’ai un grand respect pour le travail des parfumeurs et aime leur donner carte blanche pour des créations vraiment personnelles et osées. Je fais le minimum de retouches pour privilégier des « épreuves de parfumeur » J’accorde beaucoup d’importance à la qualité des matières premières et ai choisi des jus en moyenne 3 fois plus chers que ceux des grandes marques. Je préfère investir dans la qualité du parfum lui-même que dans la publicité.

5/ Où seront distribué les parfums Olfactive Studio ?

Grâce à Facebook, j’ai rencontré un distributeur en Europe spécialisé dans les marques de niche (Différentes Lattitudes, qui distribue Byredo, Juliette has a gun, etc…) ainsi qu’un distributeur au Moyen Orient (Sesame), et bien sûr les parfums seront disponibles en e-commerce sur le site www.olfactivestudio.com et seront livrés dans le monde entier.

Visuel pour "Chambre Noire"

En tout cas, nous remercions beaucoup Céline, pour son temps (ah ah ! en plein rush sur les sorties des parfums et tout !). Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser ;)
J.

mercredi 11 mai 2011

De Profundis - Lutens bien profond, en effet

Nouveaux Lutens comme chaque année. Et c'est ainsi que la blogosphère ne parlera plus que de ça, envoyant lauriers et tubéreuses au grand créateur de Féminité du Bois ! Chaque nouveauté d'automne Lutens semble auréolée d'une vénération sans borne de tout le monde : "Aaaahhahahah !!! Féminité du Bois avec du cuir trop innovant !!!!".
Edition Gravée de De Profundis pour 2011. Du bon goût à revendre !
Cette année, j'eus dû découvrir ces petites nouveautés avec d'autres confrères pour Auparfum, sauf que j'ai fait l'agréable connaissance d'une gentille madame qui m'a subtilement susurré "que de toute manière j'allais écrire sur ces parfums tout de suite", et qui en fin de compte, m'a refusé de pénétrer d'un pied dans les Salons. Ah ah !!! Moi on me demande gentiment de pas écrire tout de suite, il y a pas de problèmes (j'suis pas un mec chiant ^^), mais le petit snobage (quel joli néologisme), les deux échantillons que j'ai reçu anonymement dans ma boite aux lettres et cette soudaine inspiration, m'ont poussé à écrire un petit billet sur Dame De Profundis, pseudo Dame Blanche parfumée au Chèvrefeuille d'Yves Rocher, et estampillée Lutens.

Ne prenez pas ça comme une vengeance personnelle, j'ai beaucoup apprécié Vitriol d'Oeillet, mais manque de pot, c'est sur la Dame Blanche que j'ai envie d'écrire. D'autant plus que la rencontre m'a bien fait rire...

Lutens et la communication, ça a toujours bien marché ! Pour présenter son "parfum inspiré par Charles Baudelaire" (désolé, mais on touche pas aux légendes), nous voilà face à un "chrysanthème". Ok. Euh... juste, Dame Blanche, tu l'as péta où ton chrysanthème ? Laissez-moi rire... jaune ! Ou non, violet. Ah ! Point positif, la couleur est vachement belle ! J'adore !

Revenons au discours de ma Dame Blanche dépressive : et vas-y que j'te fous du cercueil, du croque-mort, du corbillard et du discours en latin (règle n°2, on ne touche pas au latin). De Profundis. Ah ah !!! Quelle cohérence !!! En effet, cette Dame Blanche semble être l'allégorie même du cri de détresse intense que doit pousser Serge Lutens, visiblement tombé bien bas justement. Comme qui dirait, Serge Lutens devait avoir touché le fond avec L'Eau. Avec De Profundis, il s'enfonce encore plus, et avec humour (au moins, c'est déjà ça !). Tout s'explique...

La Dame Blanche qui voudrait s'évaporer du flacon est plus un leurre qu'une ode à la mort. Habillez là d'une couleur rose bonbon et mettez la dans un flacon tendance et vous aurez presque un flanker de Very Irresistible ou de Noa Perle ! Mon Dieu ! Blasphème-je ? Oui... un peu. Car à vrai dire, De Profundis correspond plus à l'idée du Chèvrefeuille d'Yves Rocher, une facette verte plus prononcée et un fond poudré en plus. Le tout fait floral vert très générique, avec ma chère note lessivielle de L'Eau adorée !

Repas de noces à Yport, Albert Auguste Fourie, 1886
Olfactivement, ma Dame Blanche me fait ainsi des tours sur elle même, telle une danseuse étoile (ou telle une dame en pleine campagne en train d'étendre son linge humide), avec des effluves de muguet, de jacinthe, et une note trèèèès poudrée, un peu comme de l'iris, mais alors à des kilomètres de la magnificence d'Iris Silver Mist, ou de la classe absolue de Bas de Soie. Le tout dans un esprit très synthétique, et vraiment loin de la dame de la Mort imaginée par Serge Lutens. Ou du moins j'espère. Parce que là, c'est non plus bouffer les pissenlits par la racine, mais "bouffer de la fraîcheur muguet via laboratoire". Et perso, la Mort, je ne la voie pas du tout comme ça.

C'est aussi un autre truc, qui pour le coup m'exaspère énormément. Je suis désolé, mais il m'est d'avis qu'on ne rigole pas trop avec la mort en mode "c'est l'apothéose" (du moins, c'est ce que j'ai pu comprendre du texte incompréhensible de la communication de De Profundis, ici sur Grain de Musc). Parce que, je vais raconter un poil de ma vie là, mais j'ai dû faire face à une mort très violente pendant les vacances, et je vous jure que lors des obsèques, on m'aurait présenté ce parfum, j'aurais été capable de faire manger à la personne le flacon  cloche gravé. Les amoureux de Baudelaire, et de son poème éponyme, ne reconnaitront d'ailleurs pas une ode à la littérature en débouchant le flacon, car si toute la dimension froide décrite dans les vers du poètes auraient pu se marier à mon Iris Silver Mist adoré, la profondeur artistique de De Profundis me semble aussi vide que le nombre de lancements de Lutens par an est immense.

Mais enfin, je sais que c'est pas bien de dire du mal des parfums, encore plus ceux de Lutens, et encore plus quand les conditions d'olfaction sont douteuses. Je sais que j'aurais le droit à mille procès. "Puis de toute façon vous en parlerez tout de suite sur internet et nous on veut pas", je sais que je suis légèrement provoc', mais bon, dans l'atmosphère "très sélect" de Serge Lutens (je ne fais que rapporter ce que la dame  m'a gentiment murmuré au téléphone), il semblerait qu'on voie la mort comme une pub pour une nouvelle lessive Le Chat, et les petits jeunes "qui ne connaissent pas Serge Lutens personnellement" (pardonnez moi, j'allais pas lui envoyez un texto à mister Lutens...) comme des êtres incultes en parfum. Et puis de toute manière, je vous laisserai découvrir ce TRESOR de la parfumerie française par vous même en novembre... En espérant que la Dame Blanche soit pour vous une belle filiation de l'horreur de Shining de Kubrick, plutôt qu'une descendance de Scary Movie et Febreze Sensitive !

Vive le respect !
J.

jeudi 5 mai 2011

Olfactive Studio - De l'avancée en parfumerie !

Olfactive Studio ! 

Ce nom ne vous dit peut être rien, ou vaguement alors, mais vous allez bientôt en entendre parler ! 
Vous connaissez peut être leur groupe Facebook : Le Blog du Parfum qui n'existe pas (encore !) ! Et peut être en avez-vous entendu parler ici et là, sur les blogs, ou sur le net.



Bref, c'est quoi ? Donc Olfactive Studio c'est une nouvelle marque de parfum qui devrait voir le jour d'ici peu (la rentrée mes chers enfants... la rentrée ;), mais qui intègre une toute nouvelle chose qui FAIT la différence !
Avec Olfactive Studio, c'est VOUS qui choisissez ! Ainsi, le nom de la marque, des parfums, des flacons, des couleurs, des bouchons, tous les détails ont été choisis par les membres du groupe. 

Bon, vous allez me dire "dit coco t'es mignon, c'est déjà choisi tout ça !". Non. Pas l'essentiel. Il manque encore les parfums !

Plusieurs essais ont été faits, chez Robertet, Firmenich..., et vous pourrez participer au choix le jeudi 12 mai, selon cet événement. Voila, pour ceux qu'habitent Paris, c'est pas mal, non ? Sincèrement, je suis content de cette initiative ! Enfin, on peut espérer toucher un peu du cercle très fermé de la parfumerie ! (Qui a déjà touché un essai de parfum ?)

Vous pourrez jouer vos Bertrand Duchaufour et autres Annick Ménardo en clamant, fier : "Oh non, je pense qu'il faut doser la formule à 13,7% ! Histoire de relever le coeur !".

Petit billet ainsi, car j'ai pas eu le temps de vous faire un bel article sur un parfum (semaine d'examens oblige), mais je voulais quand même écrire une petite binouche ! Et donc, c'est aussi le moyen de vous avertir que il y aura une petite interview de Céline Verleure, l'initiatrice de la marque bientôt bientôt ! Vous pourrez ainsi poser des questions, lire les réponses, en sirotant un Perrier-Menthe, délicatement accompagné d'un carré de chocolat aux noisettes entières. Bref, une vraie interview quoi ! (et le premier qui me dit que les entretiens avec la belle musicienne du 19 et notre vendeuse mystique du 22, c'était du semblant, je lui fais le cou en J'Adore !)

J'avoue avoir déjà senti quelques essais, et je peux vous dire qu'il y a du bon... du très très bon ! Mais ça, c'est à vous d'en décider !
J.