mercredi 29 septembre 2010

Ambre Narguilé - Poursuite dans la Nuit

Je n'avais plus le moindre doute.
J'étais suivi.

Cette silhouette élancée, menaçante se dessinant dans l'obscurité palpable de la Nuit ne pouvait être qu'à ma poursuite. Je sentais le sang monter à ma tête, mes sens se décuplant et l'air froid de l'obscurité rentrer dans mes poumons de manière saisissante. Des sueurs froides commençaient à couler sur mes flancs. Je ne savais pas quoi faire.
Courir. Meilleure solution pour montrer que l'on est reperé.
Continuer l'allure. Se faire rattraper.

Une seule solution, se cacher.

Bizarrement, je n'entendais plus que ma respiration et le frottement de mes bras sur ma veste. Je sentais la présence de l'Autre, qui continuait à gagner un terrain précieux. Le trottoir était humide. A côté de moi, une ligne de chemin de fer abandonnée dans une sorte de campagne urbaine, me bloquait la seule issue de fuite possible.

Pourquoi donc cette ville n'avait aucun éclairage ?

Je commençais à paniquer dangereusement.

Mais, en bon film américain que je pensais subir, je savais qu'il y avait un truc. Je pouvais pas me faire avoir. Bon, je ne suis ni McGyver, ni Hercule Poirot. Mes pas avançaient de manière machinale, et les rouages de mon cerveau cherchaient en vain la solution.
Mais elle vint d'elle même.

Au bout de la ruelle, une lumière orangée éclairait la chaussée de sa douce teinte. La lumière au bout du tunnel, littéralement. L'Autre, derrière moi ne faisait toujours aucun bruit. A vrai dire, je pense même qu'il avait disparu. Sans me retourner, je fonçai vers la lumière, et rentrait dans le bâtiment.

La première chose qui m'assaillit me stoppa net.
Tel une énorme gifle, je reçus en pleine face l'odeur qui fait chavirer le moindre homme. Celle qui vous détend immédiatement.

La compote de pommes chaude à la cannelle.

Une créperie, j'étais arrivé dans une créperie bretonne, à la déco bien chargée, boisée, dentellée, lumieuse, petite. Aucun pan de mur n'était libre : des tableaux, des dentelles, des meubles, des tissus, des appliques murales... Puis cette odeur enivrante, caractéristique de cette compote chaude que je mettais dans les crèpes, avec une touche de cannelle, épice que je ne supportais d'ailleurs que dans ce plat.

L'ambiance était assez animée, les serveurs zigzaguaient entre les tables proches, les gens parlaient, riaient. Certains même se donnaient des accolades peut être un peut trop chaleureuse.

Mais personne ne me voyait. J'étais comme confondu dans la boiserie du mur. Les serveurs passaient près de moi sans même m'adresser un regard. Puis je remarquai que tous les clients s'échangeaient de drôles de regards. Parfois complices, parfois noirs.
Le sensation de froid propre à la peur ressurgis en moi. Mes sens se remettaient en action, les mouvements des clients ralentissaient comme par magie, pour que mon esprit analyse toute la situation. Le tic tac redondant d'un horloge en chêne placée dans le coin de la salle semblait rythmer les mouvements de mes yeux. Yeux qui s'arrêtèrent sur une porte entrouverte.

Ma curiosité me poussa jusqu'à cette ouverture, presque fondue dans le mur. Aucune lumière derrière cette échappatoire. J'étais comme attiré par des effluves d'alcools. Je pensais aux arrières des bars illégaux dans les années années pendant la Prohibition aux Etats-Unis. Une fumée enivrante se dégageait de l'entrebaîllement.

Je décidai de rentrer.

Il n'y avait aucune lumière. Tout étair enfumé.

Et l'Autre était là.

vendredi 24 septembre 2010

Groupie !

Vous connaissez tous cette afffreuse masse pullulante, aux effluves de Miss Dior Chérie & One Million, se précipitant au concert de Lady Gaga !

Elle crie, elle hurle, elle s'égosille, elle bute à coup de bazooka le silence intérieur de la dignité humaine ! Cette jeunesse fan, cette jeunesse groupie.

Dr Jicky fait désormais parti de cette secte.

Car Jicky va pouvoir voir son idole, son père spirituel, son fantasme vivant !!!!!!!

Monsieur Jean-Paul Guerlain !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Ahhhhhhhhhhhhhhhhh [...] hhhhhhh !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! [...] !!!!!!!!!

(Message de l'administrateur : l'un des rédacteurs du blog vient malheureusement de décéder brusquement d'une crise cardiaque, les conséquences restent un mystère. Malgré son jeune âge, nous soupçonnons entre autre l'intervention de la drogue. Nous avons repéré un taux de Samsara anormal dans son sang. Affaire à suivre !)

Pour les groupies comme moi, rendez-vous à 19 heures le Jeudi 30 septembre 2010 à la Maison Guerlain des Champs-Elysées, où Monsieur Jean-Paul Guerlain dédicacera son prochain livre !

AHhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!!!!!!


dimanche 19 septembre 2010

Chanel n°22 : Entretien

Pour la première de sa carrière, Dr Jicky s'est déplacé pour aller consulter un patient. Bon, Mister Phoebus m'a laissé de bon coeur y aller, mais j'espère qu'un jour il ira voir notre personne du jour, car deux avis valent bien mieux qu'un seul !

Lieu de rendez-vous : Rue Cambon !
Mon Dieu ! Il se gène pas le petit gars, ou la petite mamoiselle, oui, je ne connais même pas son identité. J'ai été "convié" à une consultation sous la seule impulsion d'une lettre. Mais quelle impulsion ! J'ai jamais reçu de lettres comme ça de ma vie ! Un beau papier un peu jauni, épais et avec de petites aspérités. Puis... l'odeur... Maudit ! Quelles effluves émanaient de ce papier à lettre, preuves d'un sillage sans nom et langoureux !

De toute façon, je risque quoi ?

C'est donc en m'engageant de la rue que je me rend au n°22. Puis, malgré la classe blanche, sobre et rectangulaire de la rue parisienne, je vois une petite batisse en bois. C'est drôle, elle semble avoir été construite ici par hasard. Comme si on venait juste de la "planter" ici !

Je rentre. Oui, sans un un grain de folie, il n'est point d'homme raisonnable !

Puis là, mais alors là, mais alors de alors de alors là ! My God ! Dr Jicky se retrouve sur son rectum ! Une bouffée fusante, puissante et Ô combien racée m'assaille. L'émotion m'étreint. L'odeur de la lettre. Puis je m'aperçois que je n'aperçois rien en fait ^^. Attend, quoi que... Oui, des contours se dessinent. La brume épaisse s'amoindrit. Une table en bois, une grosse table en bois. Puis une nappe blanche très fine avec de la dentelle sur le côté et un fil rouge cousu désignant le contour. Puis là je vois un peu mieux. Une sorte de buffet avec une vitre en verre, très traditionnelle. Puis avec dedans, plein de boites. Des petites boites rondes, pas hautes et en porcelaine on dirait !

"Dr Jicky ? Mister Phoebus ?" demande une belle voix un peu ombragée dans l'obscurité de la pièce
"Euh... en fait c'est que Dr Jicky car Mister Phoebus il a pas pu ven..."
"Ah ! Bien bien ! Très bien. Bon c'est pas grave"

Elle dit cette dernière phrase d'une manière très amicale ! Mais en même temps toujours couverte. Avec ce grain typique des personnes qui restent sans parler.

Je ne vois pas son visage, ni ne le verrai au cours de la séance. Mais toujours ce reflet dans la vitre du buffet, avec ces petits pots. Bizarrement, à chaque fois que je penserai à l'hôtesse du n°22 de la rue Cambon, je penserai à mes petits pots.

"Bon, voyez-vous, c'est rare quand je me déplace pour une personne. Mais quelque chose m'intrigait... Vous voulez parler de quelque chose ?". Je prononce ces mots doucement, en pesant bien telle ou telle intonation.

"Oh oui, mais comment commencer ?"
Et moi de retorquer avec politesse "Par le commencement !"

Et mon hôtesse de se présenter :

 " Papa et Maman ont d'abord eu 10 enfants. Oui, dix d'un coup ! Non, Papa n'était pas un coureur de jupons, mais un grand inspiré. Malheureusement, une seule couvée de triplées ont été gardées. Moi et deux autres de mes soeurs. La première, n°18 a toujours a moitié vécue dans l'ombre, un peu comme moi à vrai dire, mais elle s'en est sortie avec l'alcool bizarrement. Le commerce d'alcool de riz lui a donné  une réputation mondiale encore réputée aujourd'hui. Mais elle semble avoir disparue ces derniers temps. Peut être pour mieux réapparaitre ? Mon autre, vous la connaissez certainement. N°5. Ma soeur à la chevelure d'or a tout séduit avec ses notes charnelles, sensuelles, presques sexuelles. Son caractère et son puissant charisme lui ont permis une ascension rapide et encore d'actualité. Elle écrase tout sur son passage, tout de même avec grâce ! Voyez son batiment, au n°5 de la rue ! A elle seule, elle rapporte à notre famille la plus belle des réputation. Mais moi dans l'histoire je suis..."

" N°22 !" Je m'exclame ! Oui, tout se recolle dans ma tête...

"Oui, je suis N°22 ! Et grand bien m'en fasse, j'ai hérité de la beauté de N°5, mais je n'ai jamais eu son charisme très animal. J'ai plutôt pris le côté mystérieux et inoubliable de ma soeur N°18. Certes, j'ai vécu dans l'ombre, mais Maman ne m'a jamais délassée. A vrai dire, je crois même que j'étais sa préférée. Elle présentait aux autres N°5, mais elle me gardait moi exclusivement pour elle. Papa, lui, admirait ma force fusante de caractère. Celle là même dont N°5 est pourvue. Mais là où ma soeur est plutôt abstraite dans son choix de carrière (un peu touche à tout), je me suis personnellement investi dans un domaine qui me plait énormément : les cosmétiques. Vous devez avoir remarqué tous ces petits pots dans le buffet. Ce sont des petites crème toutes douces que j'ai créé personnellement. Il y en a beaucoup de parfumées à la rose, mais certaines sont plus poudrées, d'autres plus sèches et boisées. Toutes ces facettes, je les ai prises de Papa et Maman"

Ces dernières paroles se sont assombries, puis petit à petit, je n'ai plus rien entendu. N°22 est partie de ma vie comme elle est en rentrée : avec stupeur mais subtilité. Je n'aurai jamais aperçu le moindre trait de son visage, la boutique de cosmétiques étant toujours plongée dans une sorte de brouillard.

Je suis resté seul dans la pièce une bonne quinzaine de minutes, la réalité des choses ayant repris le dessus : cette douce odeur féminine émanant d'encens brûlant sur un meuble en bois, puis la porcelaine des petits pots de crème scintillant par la lumière d'une bougie, dont la flamme vacillante menaçait de s'éteindre à tout moment. Puis le parquet grinçant sous le poid de mes pieds se déplaçant vers la sortie, mon sillage éteignant la dernière source de lumière.

vendredi 10 septembre 2010

Bleu de Chanel - Macho, macho man.

 Par Phoebus.




-Bleu de Chanel, tu peux avancer dans la lumière.

La voix  provenait d'un homme encapuchonné, le visage entièrement dissimulé. Il semblait présider un cercle de fidèles, qui portaient le même uniforme que lui - longue toge blanche et capuche ample. Le nouveau venu, Bleu, attendit que l'écho de sa voix ait fini  de se perdre entre les murs de marbre pour enfin avancer d'un pas dans le halo.

-Comme chaque année, nous avons trié sur le volet les nouveaux venus en Etudes Supérieures de Grands Lancements Masculins. Et j'ai l'honneur de t'annoncer que tu as été accepté par la confrérie des Bêta Bêta Bêta !

Murmures d'approbation dans l'assistance. Puis dans un bruit feutré d'étoffe, les capuches se levèrent. Bleu tourna la tête à gauche, à droite, et reconnu plusieurs visages familliés, déjà croisés dans les couloirs de la fac. Body Kouros. Allure Homme Sport. Hugo Boss. Il plissa les yeux, le coeur battant un peu plus fort au moment où le maitre de cérémonie révéla lui même son vrai visage...
Cool Water, en dernière année. Il passait sa thèse.
Quelqu'un alluma alors plusieurs torches, le long des murs, et la pièce fut illuminée par des flammes bleutées. D'un côté de la pièce, des haltères étaient entassées, de l'autre on pouvait voir tantôt des posters de playboy, tantôt des affiches de l'équipe de France. Les Bleus.
D'un geste solennel, Body Kouros fit brûler lentement une grande photo d'Arnold Schwartzeneger. Et tandis qu'elle se consummait, Cool Water continua son serment.

-Tu correspond tout à fait aux critères de la confrérie, et considère nous désormais comme ta seconde famille. Mais avant tu dois prêter serment sur la Bible.

Cool Water claqua des doigts et Dior Homme sport apporta  un exemplaire de L'Equipe posé sur un coussin de soie bleue marine.

-Pose ta main gauche sur le Nouveau Testament, lève la main droite et énonce les dix commandements.
-Très bien.

Bleu s'éclaircit la gorge, puis récita :

-L'archétype de la virilité tu représenteras,Toujours évoquer le frais tu devras,
Te décliner en une version sport éventuellement tu pourras,
Un homme torse-nu body buildé pour égérie tu choisiras,
Les hommes de 35 à 55 ans pas du tout body-buildés ton public-cible sera,
De l'hédione en surdose tu arboreras,
Et un fond passe partout tu révèleras,
Par un machisme cliché tu nous ennuiras,
Qu'un boisé-hespéridé au fond tu ne seras,
Car au bout d'un quart d'heure, tu disparaitras !

Applaudissement des frères Bêta Bêta Bêta, Bleu adressa quelques sourires gênés et attendit la suite avec un intérêt non dissimulé.

D'un regard, entendu, Cool Water, Body Kouros, Aqua Di Gio, Dior Homme Sport, Allure Homme Sport et Azzaro Pour Homme montèrent sur la dalle de pierre au fond de la crypte, de façon à être surélevés par rapport aux autres. Ils avaient préparé leur spectacle rituel pour clôturer la cérémonie d'intégration. Le projecteur fut braqué sur eux, quelqu'un lança à fond la musique "macho man" des Village People, et ils retirèrent leurs toges en rythme : dans l'ordre, le policier, l'indien, le soldat, le cow boy, l'ouvrier de bâtiment et le motard-tout-de-cuir-vêtu. S'en suivit une chorégraphie vraisemblablement  impossible à raconter dans un récit, mais croyez-moi, tous ces lancements masculins formatés finissent toujours par être drôles malgré eux...



Et à votre avis cher lecteur, Bleu de Chanel va être la doublure du cow boy, du policier, de l'indien, de l'ouvrier, du soldat ou du motard ?

jeudi 9 septembre 2010

Womanity - Le parfum du matheux autoroutier

Womanity est le camion nouvelle génération que tous les autoroutiers ont rêvé d'avoir. La belle carlingue, le rêve de toute une génération de camionneurs, qui déjà petits rêvaient en grand. L'immensité de la route, les kilomètres innombrables du progrès. Puis une domination sous le signe de lignes blanches discontinues !

La société Thierry Mugler, camionneurs depuis les débuts avec la fusée fonceuse Angel, machine à succès incroyable, ne choisi pas la route de campagne la plus facile. Au diable la petite Twingo J'Adore et oubliée la Clio Coco Mademoiselle. C'est sous le signe d'un vaisseau étrange, mélange d'un alliage futuriste et de mailles médiévales, que Thierry Mugler et sa clique font embarquer "toutes les femmes de l'humanité".

Entrer dans le nouveau véhicule Mugler dépersonnifie totalement le gentil petit bout'chou égérie du palet breton. Un sas d'entrée aux odeurs de gâteau sec avec des airs d'amandes. Le vrombissement du moteur rugit dans le sas. Nous devons partir. La salle du début pour le moins déconcertant voit une extrémité coulisser et présenter une ouverture. Nous y passons.

Aussi brutal qu'un passage de l'eau confortablement chaude à l'eau glacé (ou pire, le passage de L'Heure Bleue à Bleu tout court !), nous voila dans le labo néo-camionno-mathématique : l'autoroutier n'est plus ce qu'il était. Fini le tatouage de l'ancre sur le bras gauche, le calendrier machiste au niveau de l'essui glace et le pendentif en forme de sapin sur le rétro central. De ce que je vois, l'avant de la bête de l'autoroute est une grande baie vitrée avec projection fictive de bord de mer pour rendre la vision d'une zone industrielle plus agréable. Puis, c'est blanc. Très blanc. Trop blanc. Notre chauffeur est assis, avec sa blouse blanche en coton pour les manipulations chimiques. Il l'avouera bientôt : "à vrai dire, je m'en sers juste pour faire genre..."


Car, malgré les apparences, notre conducteur n'est pas qu'un chimiste, c'est un matheux. Un vrai, un pur. Un manipulateur de formules. Aussi bien à l'aise avec les équations différentielles du second degrés qu'avec un moteur à aéropropulsion. Oui ! Il conduit Womanity comme il fait ses formules. Il arrive à mettre en symbiose trois facteurs pas si inconnus que ça, mais à les assembler de manière dynamique et innovante, quoiqu'à mon goût un peu trop intellectuelle.


Je m'intéresse, autant par politesse que par interêt, et il m'explique tout : 


Figue²/biscuit * \/¯calone + (selx10²  * amandes benzaldéhidique) + santal²


Ouais, bon... on s'appelle ? Et encore, je vous épargne bien des lignes...


Thierry Mugler a trouvé le bon chauffeur, à fond sur le concept, très "space" lui aussi. Avec une drôle de tête en plus. Et si on l'appelait "headspace"...
Ouais, le regard inquisiteur qu'il vient de me lancer à la suite de mon "jeux de mots" m'a bien refroidi. D'ailleurs, la savante formule a tendance à devenir froide et blanchir elle aussi. Sur la baie vitrée avec retroprojection de paysage apparaissent des mouettes, la mer puis, et oui, la technologie a parfois de gros souçis mentaux, des images subliminales de tartes au fruit, de mûres sauvages en montagne avec des figues pulpeuses arrosées d'une inondation de lait, de manière aussi dense que le fond de teint sur la peau d'une pouffe !

Puis soudain, je subodore une chose qui me semble être là depuis le dépbut.
Mais, juste, c'est quoi cette odeur ?
Et au routier de me répondre : "Ah ! C'est une de mes expériences, prenez une mangue. Laissez la pourir. Etudiez son odeur. Rajoutez une note de santal, un poil de figue pour la cohérence et vous obtiendrez ce qui semble être l'incarnation olfactive de la fin de notre voyage sur l'autoroute du futur. A noter que cette expérience marche aussi avec le yaourt à l'ananas".

Puis il se fige avec un sourire, comme s'il était un colporteur d'aspirateurs. Et je crois l'avoir embarassé en lui mettant un vent à l'ampleur de Katrina... Je sais, c'est pas toujours mon fort la science de demain.

Le voyage semble s'arrêter là. Je repars par la salle complexe. Une sorte de sas de sortie avec un papier peint compliqué avec pleins de formules mathématiques et des tâches de macadam. Au milieu de la pièce un arbre à l'odeur tenace et imposante. Ainsi qu'une casserole d'eau salé en train de bouillir.

Au final, je vois cette expérience d'un très bon oeil. Autant d'innovations pour un seul petit bonhomme ralliant plusieurs passions incompatibles. C'est émouvant de le voir s'exprimer sur sa création. Thierry Mugler mise gros avec lui, mais je pense qu'il va faire bouger les choses.

Quand on peut réaliser son imaginaire tout en bidouillant son polynôme du troisième degrés, je dis respect.

Vive l’odorat !

mardi 7 septembre 2010

Chamade - Guerlain : retrospection écolière




Un parfum associé à la "vieille école". De suite je me sens obligé de dire Chamade !
Pourquoi ? Hum... ma première rencontre avec Chamade, c'était avec une voisine de ma grand-mère. Genre classe : cheveux très blanc, un peu ondulés, dans une coupe mi-longue et dégagée. Un tailleur rouge avec pantalon assorti, une sorte de chemise jaune pâle à motif fleuri. Boucles d'oreilles et rouges à lèvres. Bref, vous voyez bien l'image assez stricte au premier abord.

Les embrassades s'ensuivent et je remarque son parfum. Ma première impression, ça sent le parfum pour vieille, le vrai ! Je n'ose même pas en parler. 

Passons maintenant à la deuxième évocation. Celle de ma prof d'espagnol. A la voir, pas très grande, tailleur marron, teint très foncé, jupe classe, collants, élégance et pour couronné le tout un Mitsouko très bien porté. Puis un jour en discutant parfum (je suis d'un naturel très bavard et sociable, même - plutôt "surtout" - avec les adultes), elle me raconte une de ses anecdotes lycée, "d'il y a fort longtemps". Et pourtant elle fait pas vieille, mais cette prof insiste sur "son appartenance à la vieille école". 
Bref, elle me raconte une soirée (petit sourire intérieur ^^ "une soirée dans les années 70" !), qui était marquée par le lancement du dernier Guerlain : Chamade ! Et elle m'a décrit une bataille de parfum comme si c'était de vulgaires petits poids, des pschits à tout va et des lancers de flacons vides (I was "sous le choc").

(non la jeunesse d'aujourd'hui est sobre, j'insiste !)

Enfin, elle me raconte le désastre olfactif : une sorte d'odeur vanillée, boisée, puis florale écoeurante.

Puis je me suis souvenu de la voisine de ma grand-mère ! Son parfum, Chamade ! Oui ! On en avait parlé finalement. Elle m'a dit que le portait depuis toujours. Or, elle même était une institutrice...
Pour elle ce parfum évoquait une fourrure,une protection et même une seconde peau. Elle était proche des larmes. Puis elle rétorque d'un ton sévère "Ah mais tu sais, je portais l'extrait en plus" (bien evidemment elle a jeté le flacon :O !).

Quant à moi, Chamade je le vois exactement bien dans le domaine écolier. Chamade c'est la maitresse un peu froide extérieurement mais pleine de tendresse et de protection quand on en a besoin. Il a une odeur maternelle (et oui, le santal, perso je le sens énormément dans la composition) mais aussi vraiment vieillote.
Chamade, quand elle se décline en eau de parfum se trémousse de manière plus arrondie, joue sur ses formes et est plus sensuelle. En eau de toilette, elle est plus naturelle, plus verte et pimpante.
Puis en extrait, avec moi, Chamade sort le grand jeu ! Ce départ si vert qui symbolise les feuilles des arbres dans la cour, celles que l'on ramasse pour faire un "bouquet de feuilles" et que l'on donne à sa maitresse, Mme Chamade. Puis après ce départ mystérieux, un accord floral complétement opulent et désuet, puis ce fond crémeux, onctueux...

Chamade disparait sans dire un mot, le sourire en coin toujours aux lèvres.

On lui a donné ce "bouquet de feuilles", déjà séchées, mais notre coeur bat encore la Chamade...


Jicky

dimanche 5 septembre 2010

La nouvelle génération parfumée : entretien



Plusieurs fois par ans, j'endosse le rôle de conseiller-d'orientation-psychologue dans le lycée de la rue d'en face. Je n'en dit pas plus, je sens que vous éprouvez déjà de la compassion pour moi, et vous avez raison : travailler avec des jeunes est quelque chose de, certes, intéressant, mais surtout fatiguant, compliqué, et peu rassurant. Peu rassurant parce que je m'entretient avec ces élèves de terminale qui seront majeurs à la fin de l'année, pourront voter, conduire des voitures et boire de l'alcool. En bref, l'avenir de la société. Et chaque année le niveau diminue sensiblement, c'est incompréhensible. J'appréhende toujours la nouvelle promotion.

La professeur de philo me fit donc entrer, et me voila, boule au ventre, devant une petite vingtaine d'ado bourgeonnant affalés sur leurs chaises, endormis sur leurs tables ou tout simplement dos à moi et en pleine discussion avec leurs voisins de derrière. C'était notamment le cas d'une certaine Amor Amor, que ma collègue réprimanda aussitôt sur un ton qui trahissait l'habitude. La jeune fille se retourna en levant les yeux au ciel de façon insolente, puis arracha sans chercher à être discrète une feuille de son cahier. Elle y écrivit le reste de son histoire (sans doute passionnante, je n'en doute pas) avant de faire passer la feuille à son amie Ricci Ricci.

La professeur de philo, Madame Opium, se précipita jusqu'à Ricci Ricci, s'empara de la feuille et la déchira consciencieusement. Elle pointa le doigt vers la porte en s'adressant à AmorAmor.

-Très bien, jeune fille, puisque c'est comme ça vous passerez la première !
-Je suis la première dans la liste alphabétique, de toute façon.

Et elle se leva (en même temps que les têtes de la plupart des garçons), pour sortir de la salle sous les rires de ses amis. Alors qu'elle venait vers moi, elle pointait madame Opium du pouce en faisant semblant de fumer un joint imaginaire entre les deux doigts de son autre main. Madame Opium ressera son châle brun autour de ses épaules en bougonnant.

Il était passablement énervant de parcourir le dossier de la jeune fille en subissant toutes les dix secondes le claquement de ses bulles de chewing-gum. Pourtant, j'étais agréablement surpris de découvrir que ses notes étaient bonnes dans toutes les matières (moins en philo, évidemment). C'était dans la colonne suivante, les appréciations, que le bât blessait. Insolence, bavardages, impolitesse, absences injustifiée. Je baissai le dossier que je tenais devant moi et contemplai son joli visage. Elle avait tout de la petite garce ultra-énervante. Beaucoup de chance, beaucoup de facilités, beaucoup de potentiel. Et surtout beaucoup d'orgueil. Et elle gâchait tout. J'ai faillit tomber de ma chaise quand elle m'a annoncé le plus sérieusement du monde qu'elle voulait se lancer dans le milieu de la chanson.
-Tu en es certaine ? Tu n'as pas d'...
-J'en suis certaine, je veux être chanteuse.
-Bon...Tu verras ça avec tes parents, j'imagine.
Ah, le sens des réalités...

L'élève suivant était pire, cependant.
-Tu t'appelles ?
-Pour lui. Black XS pour lui.
Un petit maigre qui voulait jouer les gros durs. Je lui fit enlever son blouson en cuir trop grand pour lui avant de l'inviter à s'assoir.
-Très bien, et donc tu aurais des questions concernant ton orientation ? Je suis là pour y répondre.
-Je..Oui j'y ai déjà pas mal réfléchit. Par où commencer...Et bien en fait je me demande depuis quelques temps si je ne serais pas attiré sexuellement par mon meilleur pote. Est ce que c'est normal ?
-Ce..Pardon ? Oui c'est...enfin non, ce n'est pas..Enfin. Je ne suis pas là pour parler de ce genre d'orientation, Black XS !

Il y en avait quand même pour rattraper le niveau, heureusement.
Je fus d'abord surpris de voir deux jeunes gens se lever lorsque Madame Opium appela le nom de Chloé. Une jeune fille au premier rang, habillée en blanc, était précédée par un asiatique aux traits fins. J'appris par la suite que le jeune homme s'appelait A Scent, et qu'il était le correspondant Japonais de Chloé. Il était presque billingue, ce qui était plutôt impressionnant. Mais sa correspondante n'était pas en reste. Elle  avait des notes excellentes et était du genre à avoir un dossier remplit d'appréciations positives. "Elève sérieuse et appliquée" était la litanie qui revenait dans son dossier de la maternelle jusqu'à la terminale.
-Je veux aller en fac de droit. J'aimerais passer ma troisième année à Hiroshima, afin de compléter mon programme de correspondance avec A Scent. Je ne sais pas encore exactement ce que je veux faire après la fac, mais qui peut le savoir à mon âge ? Je me laisserai le temps.
Elle avait tout bon. Je ne pouvais que l'encourager.

Un cas un peu plus délicat est venu ensuite. Lolita Lempicka au Masculin n'a pas entendu Madame Opium lorsque celle ci l'a appelé. Cette dernière a découvert, scandalisée, qu'il n'entendait rien à cause de ses écouteurs mis à fond ( elle a faillit en perdre son long châle brun ! ). Ma collègue ne l'a sans doute pas remarqué, mais je l'ai vu dissimuler quelque chose sous son T-shirt ample avant de quitter sa place (dernier rang, près de la fenêtre)  pour me rejoindre.
Il était silencieux, en face de moi, pendant que j'examinais son dossier. Des notes plutôt basses...
-Tu sais, tu peux enlever ce que tu cache sous ton T-shirt, je ne dirai rien à Madame Opium, le rassurais-je en tournant négligement une feuille de son dernier bulletin (catastrophique).
Je baissai ensuite les yeux sur ce qu'il m'avait caché, et était maintenant étalé sur son côté de la table : des dessins, aux crayons de couleur certes, mais rien à voir avec des croquis de lycéens griffonnés dans les marges d'un cour d'histoire. Des couleurs éclatantes s'entremêlaient de façon  fluide, moderne, abstraite. Sans m'en rendre compte je m'étais déjà emparé du dessin le plus proche et me perdait dans sa contemplation. Lolita Lempicka au masculin fronça ses yeux violets et me demanda de ne mettre les doigts que sur les bords pour ne pas faire de tâche.
Et dire que j'ai failit lui conseiller de se faire engager comme apprenti par un pâtissier...Il y a du talent dans ce jeune homme. Il pourrait suivre une voie originale. Le concourt pour les écoles d'Art appliqués me semble tout indiqué.
-Fais voir celui là, au bout, je ne l'ai pas bien vu...

Je ne me sens pas la force de raconter les entretients suivant tant ils se ressemblaient tous. J'étais au bord de la crise de nerfs après avoir conseillé Scarlett, Aqua Di Gioia, Escada et Miss Dior Chérie. Non, elles ne pourront jamais obtenir leur baccalaureat Parfum cette année. Non, redoubler ne servirait à rien mes chéries, ça ne sert à rien de pleurer. Je les ai redirigés vers un BTS Shampooing, plus dans leurs cordes, vu leurs notes. Il y a eu pas mal d'autres redirections chez les jeunes hommes aussi, en particulier Boss Pure, Light Blue et l'Homme Yves-Saint Laurent, mais pour eux j'ai plutôt proposé un BEP Déodorant ou alors un Bac Pro Lessive. Au choix.

 Ah et j'oubliais.
Je me suis entretenu avec One Million, le beau gosse - beau parleur que chaque classe est obligée de se trainer, c'est statistique. Il n'a qu'une seule idée en tête : flamber, draguer, et gagner de l'argent.
-Gagner de l'argent. très bien, c'est une piste pour ton orientation, tu as de l'ambition. Que pense tu d'une école de commerce ?
Je disais cela en songeant à une élève à laquelle j'avais eu affaire il y a quelques années. Angel. Si elle a réussit, avec le même profil, pourquoi pas après tout ?
Il m'a parlé de casinos. De Las Vegas, baby. Rien que ça.
Je n'aime pas condamner les gens aussi tôt, mais là pas l'ombre d'un doute. Il finira dans un casino...Caféteria.


Alors, que penser de ces futurs nouveaux bacheliers ? Je me posais la question en rentrant chez moi en voiture. Je ne pouvais pas me sortir de la tête les dessins de Lolita Lempicka, le beau sourire de Chloé, et même le joli minoi d'Amor Amor. Et dire que j'étais partis défaitiste. Evidemment il y aura toujours son lot de déception, dans la mesure où les classes sont de plus en plus surchargées. Les jeunes sont victimes de la mode. Ils se copient tous (sacs Eastpack, jeans Carhartt et Vans semblait être leur uniforme officieux). Et pourtant le talent est là, évident, spontané, il se démarque, il suffit de le cueillir. Pour ma part j'ai été agréablement surpris.
On devrait faire plus confiance aux jeunes.

Et quant à Dr Jicky... c'est vrai que mes relations avec ces "jeunes" sont parfois houleuses.

Là où les bouclettes de la gentille petite Chloé me gonflent littéralement, je préfère parler culture avec Idylle, qui sous ses airs  de jeune fille en fleur, développe un propos construit cohérent et en l'honneur de ses aînés ayant déjà fait leurs preuves (Dame Guerlinade ou Melle For Her).

D'ailleurs, on a eu un aperçu de la rentrée 2010.

La classe m'a vraiment l'air très hétérogène. Entre une Womanity futur femme fatale et au caractère aussi trempé que l'acier de ses yeux, je suis persuadé qu'elle a de l'avenir, à condition de revoir un peu quand même sa prétention sociale et intellectuelle.
Bleu quant à lui est le mal aimé. Issu d'une très grande famille, il est palichon. Lisse, sans caractère. Effacé. A vrai dire, il a une place ambigue dans la classe : son rang d'aristocrate le place haut, mais ses qualités l'orientent vers une fac de supermarché...

Belle D'Opium croit tout séduire avec ses immenses yeux bleus. Tu parles, pour essayer de te convaincre elle te susurre des paroles mieilleuses, sous le regard dédaigneux de Mme Opium. Elle sera vite oubliée car son temps sera vite révolue. En tout cas, l'accro au portable qu'elle fait lui bloque la vue, et un poteau pourra très vite se dresser entre elle,et son petit flacon de chemin.

En revanche, j'ai une plutôt bonne impression de la petite soeur de Chloé : Love. Sous ses habits rétro et son sourire conventionnel, il y a de petites attention qui me séduisent, au bon sens du terme...

Une classe qui a une très bonne tête mais un fond des classes retardant la machine.

On vous en dira plus la prochaine fois !

(Edit-Phoebus, après relecture des bulletins) : Effectivement, c'est vrai que Belle d'Opium croit un tantinet que tout lui sera servit sur un plateau d'argent, simplement parce qu'elle est la fille de Mme Opium...Un peu comme Bleu, qui pense pouvoir se reposer sur les lauriers de ses aïeuls en étant consensuel...Il leur manque un grand sens des réalités, en Parfumerie le nom ne fait pas tout !

Chanel N*19 : Entretien

 Par Phoebus.
(Tous les cadets du monde comprendront.)


" Le hasard fait parfois mal les choses. Vous n'êtes pas née en premier, et voila que toute votre vie sera paramétrée en fonction de ce statut de "Cadette". Rien ne vous sera épargné, quel que soit le sujet, vous serez systématiquement jugée, comparée, parfois même confondue avec l'Ainée. C'est l'étalon, la référence, l'unique repère dont vos parents se serviront afin de vous dire si vous avez d'assez bonnes notes, un assez bon salaire, un assez bon look vestimentaire, un assez bon comportement...."

Mademoiselle N* 19  soupira en lissant nerveusement son tailleur gris. Je l'encourageai à continuer d'un signe de tête compréhensif - je vivais moi même cette situation.

"Mais malgré tous vos efforts, continua t-elle de sa voix neutre et lointaine, vous ne connaitrez qu'une succession d'échecs. C'est inévitable. Perdu d'avance. Car ce serait si simple si la Référence se contentait de n'être qu'une Référence aux yeux de vos parents.  Vous savez, une droite étalon, statistiquement cela peut se dépasser. Là, non...Bien plus qu'une Référence, l'Ainé est un Exemple. Le but à atteindre. Il faut suivre son chemin, et tenter de l'égaler - sans jamais pouvoir y arriver, bien sûr, puisque c'est l'Ainé(e). Je ne sais pas ce qu'en pensent mes parents. C'est peut-être compréhensible, en fait. Je ne sais pas, je n'ai pas d'enfants. Ni de mari, d'ailleurs, ce qui clôt la question. Mais j'ose imaginer que le premier enfant est celui qui change votre vie à tout jamais, symboliquement cela doit avoir son importance. Et en suivant ce raisonnement, les enfants qui suivent apportent leur lots de bonheur, d'amour et de couches mais vraisemblablement rien d'aussi fort que le changement..."

Elle était tendue, et cherchait à le cacher par une diction calme, une distance par rapport au sujet. Par rapport à moi, aussi - elle ne me regardait pas dans les yeux. Inutile d'être psychologue pour deviner que le magasine people, sur la table basse (dont la couverture affichait un portrait de Chanel N*5, qui promouvait actuellement son nouveau film) y était pour quelque chose. Je lui proposai alors de continuer la séance dans mon salon. Elle avait l'air trop réservée pour se livrer sincèrement dans la froideur d'un cabinet d'entretien, et après avoir refusé une fois, deux fois, (ah, les règles de la bienséance...) elle accepta enfin. Je la guidai vers l'autre bout du couloir.



Elle se dirigea instinctivement vers mon piano à queue, près de la véranda, alors que je lui indiquais plutôt le canapé, mais bon. Elle s'assit en face du clavier, caressa l'ivoire du bout des doigts...Puis posa son regard sur moi (me confrontant ainsi  pour la première fois à ces deux iris verts et rugueux qui avaient fait sa réputation). Je lui sourit pour l'inviter à jouer.

Ce n'était pas prémédité, je n'avais pas amené Mademoiselle N*19 dans mon salon pour cela, mais c'est vrai qu'il eut été dommage de refuser la prestation d'une des plus grandes concertistes de notre siècle alors que l'occasion se présentait d'elle même. La nuque droite, le regard concentré et les doigts souples, elle emplit la pièce d'une pluie de notes maitrisées et splendides...mais surtout maitrisées. Je n'aurais jamais été capable d'en faire autant, évidemment, mais je sentais une retenue derrière l'air de jazz (qu'elle improvisait certainement). Je ne dis rien, cependant. Le rôle d'un psychologue est d'écouter le patient, après tout, et quelque soit sa forme d'expression, il y a un message derrière. Mademoiselle 19 n'était pas très loquace, à l'évidence, mais je me suis toujours plu à penser que les mots sont vraiment l'outil le plus inexact et le plus ambigu pour déballer ce que l'on a sur le coeur.

Et ce qu'elle avait sur le cœur était proprement poignant. Son air de jazz s'est transformé en une mélodie douce et mélancolique. D'une lenteur intense et puissante, à vous couper le souffle. Ses épaules semblaient plus relâchées, tandis qu'elle jouait de façon plus fluide. Ses yeux se son fermés un instant, et j'ai su qu'elle avait baissé la garde. Derrière son tailleur gris et son chignon impeccable, il y avait une petite sœur qui semblait avoir souffert du regard rigide de ses parents. Une petite sœur qui n'était pas blonde, mais brune. Pas actrice, mais pianiste. Pas charmeuse, mais réservée. En un mot, différente. Et peut-être que cette carapace, ce mur qu'elle projette autour d'elle n'est qu'une protection, elle n'est hautaine qu'en apparence. Comment peut-on avoir confiance en soi, quand on a été élevé dans l'optique qu'on ne sera jamais assez bien ? Qu'on est une perpétuelle source de déception ?

Qu'allais-je bien pouvoir lui dire. Elle est devenu la femme qu'elle est devenue. Créative. Fascinante. Talentueuse. Triste. Mais pourquoi lui dire ce que les critiques musicales ont déjà écrit mille fois dans les journaux ? Si eux ne l'ont pas consolé - car elle est, objectivement, aussi talentueuse que sa soeur dans son domaine, et peut-être bien aussi célèbre - comment le pourrais-je, moi ?

En fait, je l'ai pu. Je l'ai su dans son regard. Elle a arrêté de jouer et m'a fixé des yeux,  avec le genre de regard résolu et intense qui veut dire merci. De quoi ? De rien. C'est une femme étonnamment intelligente, et encore plus étonnamment fragile qui avait simplement besoin que quelqu'un l'écoute et la comprenne sincèrement. Que quelqu'un reconnaisse que son talent ne lui appartient pas : c'est la souffrance qui cristallise la créativité. C'est à cause, et grâce à sa soeur qu'elle est devenue ce qu'elle est devenue. C'est à cause et grâce à ses parents qu'elle a spontanément évolué dans la direction opposée à sa soeur. En refusant la facilité, elle a eu ce qu'elle a toujours désiré, au fond : le changement. Ce qu'il y a de plus fort.




C'est l'éternelle malédiction des Cadets. Haïr et aimer plus que tout sa famille, en même temps, de façon inextricable. Ne jamais être heureux, du moins jamais complètement. Et ne jamais se plaindre, car il n'y a personne à blâmer. Mais toujours se sentir un peu triste, le vague à l'âme. Aimer la pluie, aimer l'automne.

samedi 4 septembre 2010

Avant-propos.

Bienvenue sur Dr Jicky & Mister Phoebus.com !
Une petite présentation s'impose, même si certains d'entre vous nous connaissent déjà un peu sur Auparfum. Comme nous sommes deux, il est sans doute plus simple d'énumérer ce que nous avons en commun (les différences s'afficheront bien assez tôt dans les prochains messages j'imagine...).

Avons nous besoin de préciser qu'une passion commune nous réunie ? (vous pouvez vous inclure dans le "nous", cher lecteur !) : je veux parler du parfum évidemment !
Autre chose : nous avons tous les deux 16 et 18 ans, et un esprit assez ouvert pour nous pencher (au figuré, mais évidemment souvent au propre dans les magasins types sephora) sur les parfums autres que les lancements de l'année dernière, les vintages, les "parfums de bas étages" comme on dit. Bah oui, quand on est curieux, on fourre son nez un peu partout...ironique n'est ce pas ?

Donc pourquoi ce blog, me demanderez vous ? Il y en a déjà beaucoup, et des très biens. En fait, on ne sait pas très bien nous même, c'est une envie spontanée. Avec la volonté d'offrir des points de vues un peu plus frais sur les parfums, les tendances actuelles et tout ce qui tourne autour. Vous pouvez nous croire : dans la cour du lycée ou sur les bancs de la fac, on tend les narines, on sait ce qui plait et surtout ce qui se vend ! Nous n'avons pas eu la même éducation olfactive que les autres bloggers, faisant partit d'une génération noyée parmis les nouveaux lancements et les égéries. C'est donc un peu tout cela que ce blog reflète, mais aussi et surtout la vision que nous avons des parfums plus âgés, qui ont traversé le temps...Car les temps changent, et les associations aussi !

Bon j'ai fini, Jicky, à vous les studios !

Bien reçu Phoebus !

Qu'est ce que l'on peut rajouter ? Comme dit ci-dessus, ici on va pas forcément vous parler des isosalycilates, du dernier headspeace du benzaldéhyde, mais plutôt avec des impressions (bientôt, les petites boules de couleurs avec picots et sourires enchanteurs n'auront plus aucun secrets pour la population !).

Une vision jeune aussi, mais on n'est pas non plus des rebelles au point de sortir nos flacons de Lola pour lutter contre L'Heure Bleue !

Loin du Photoshop olfactif, du dernier patchoufruit qui passe à la télé, décryptage 2.0 du parfum !
Et en guise de mise en bouche, l'inévitable...

Vive l'odorat !