lundi 23 avril 2012

Spicebomb - Caméra Cachée


Une pub affreuse (mon dieu... cette "musique"... OH ! Ce n'est pas parce que y'a trois ploucs qui "écoutent" David Guetta qu'on va en mettre dans les pubs de parfums nanméo !), un nom pompé sur Tom Jones, un flacon pas très fin, un féminin qui représente ce qui se fait de pire en parfumerie...

Comment - diable - Viktor & Rolf a-t-il fait pour réussir à ce point Spicebomb ?

On est chez L'Oréal, dans une marque qui n'en a, je suppose, rien à taper du jus, tant que les coffrets s'écoulent à Noël. Et voilà que... PAF ! On a le meilleur mainstream de 2012 à ce jour ?

C'est un piège, on est d'accord ? Quand tu pschittes ça sur ta mouillette dans ton Séphora paumé, d'un coup t'as François Demachy qui surgi de nulle part et te dit, avec un sourire émail diamant : "Mon cher, vous vous leurrez, voici le vrai Spicebomb", sachant que le flacon qu'il tient dans la main est forcément une bonne vieille fougère macho macho man...

De ce scénario il n'en est rien. Au mieux, c'est l'élégant Olivier Polge qui surgit de nulle part et vous fait sentir le Midnight In Paris désormais en bas des étagères (enfin, Iris Silver Mist sait s'il a toujours été en bas des étagères) ; au pire, pour le perfumista des Champs-Elysées, toute l'équipe du Séphora va se mettre à faire une danse à pousser Salomée au suicide en plein milieu du chemin (et pile où il y a le rayon Lutens).



Rassurez-vous, maintenant, vous êtes armé pour vaincre ces gentes vendeuses qui se trémoussent et vous attaquent à coup de Miss Dior CHERIE. Le marketing chez Viktor & Rolf a tout prévu pour vous : avec Spicebomb, vous aurez de quoi vous frayer un chemin hors des patchoufruits et des sportfreshextrem.

Au contraire, rejoignez le petit être qui s'est réfugié dans l'auberge Compote A La Canelle avec Ambre Narguilé. Si Spicebomb est moins fin que l'opus d'Ellena, loin de l'austérité d'un Iris Silver Mist ou de l'ambiance sépulcrale d'un M/Mink, il réussit à rendre un peu d'éclat à notre petit marché grand public pas forcément brillant ces derniers temps.

Modération

Cependant, si tout chez lui semble respirer l'attaque, l'hyper-activité et la virilité macrocéphale, vous vous apercevrez qu'au fil du temps, Spicebomb va laisser tomber le Grand Marnier à la Compote A La Canelle. Il ira chercher un petit cardigan à motif à carreaux marrons et oranges et s'installera paisiblement dans un petit coin reculé de l'auberge, aux boiseries plutôt abimées et déjà vues, mais qui ne gâchent en rien le plaisir de voir le petit dernier tranquillement en train de relire le passage où Ricquet à la houppe se marie.

Il en devient presque galant, certes. Il n'empêche, la naissance de ce parfum reste un mystère.
J.

lundi 16 avril 2012

Les Soliflores Annick Goutal


Par Phoebus




       ... Et je me rends compte à l'instant que je n'ai jamais écrit de billet sur la maison Goutal ?! Pourtant Dieu sait que je l'aime. Mon cas est assez simple à expliquer : si je devais être abandonné dans un village fermier d'Europe de l'Est à mille lieux de toute parfumerie potable... Ma foi je survivrais en n'emportant que des soliflores d'Annick Goutal dans mon baluchon.

       Oui, à ce point.





       Ne jamais sous-estimer l'importance des solinotes : ce sont eux qui permettent de se faire une réelle idée sur la marque. Ils donnent le ton, l'esprit, l'intention. C'est un exercice de style à part entière, officieusement obligatoire pour les marques alternatives.
       La plupart, pour refléter leur bonne foi, choisiront des notes simples qui collent au plus près de la réalité, quitte à ce que leurs soliflores restent éternellement dans l'ombre des champions en titre – l'exemple le plus frappant étant la mode du "je fais un iris parce que ça fait toujours bien d'avoir un iris"... Mais, la mouillette en moustache, tout le monde esquive le regard émerveillé de la vendeuse parce que c'est juste super embarrassant de nous balancer un iris moyen comme ça alors qu'il y a déjà Iris Silver Mist dans le paysage.

       D'autres marques, Goutal en chef de file, ne connaitront jamais ce problème, pour la simple et bonne raison qu'elles ont une vraie "patte" comme on dit. Un oui mais pas que. Une identité, un message, c'est dingue comme l'ensemble de la gamme est finalement très cohérent sans jamais tomber dans la redite, une fois qu'on a tout senti. Pour cela, pas de secret, c'est grâce à un duo de choc, un nez – Isabelle Doyen – et un cœur – Camille Goutal.

        Après avoir trempé leur pinceau dans la transparence d'un verre de muscs blancs et d'hédione, elles l'imbibent d'une couleur pastel, en piochant dans leur palette de fleurs. Avec leurs soliflores j'ai toujours l'impression qu'elles cherchent à nous dépeindre ces jeunes actrices au cheveu fin, au nez court et au regard clair. L'air mutin, l'épaule jetée, le sein qui tient encore sans soutien-gorge, fier et parfait.

       Évidemment, irréductible, je faisais parti des rares conquis par le dernier Mimosa de Goutal, qui a un peu agité la blogosphère. Sans doute parce que contrairement à beaucoup de déçus je ne m'attendais pas à retrouver sous une lumière crue la note typique des petits pompons jaunes. Non, chez Goutal si le nom est une cible, la flèche ne tombe jamais en plein centre – mais il faut dire que le centre n'était pas visé de toute façon. Cette interprétation du Mimosa s'ouvre sur un accord de pêche mûre et duveteuse, tout aussi doux et coloré que la fleur. Les muscs blancs et ronds, familiers – on pourrait presque les qualifier de "goutaliens" – prennent la relève et oh !... Voilà enfin, en diva qui sait se faire attendre, le mimosa légèrement épicé. A porter cet été entre deux rayons de soleil, si vous savez sourire.

Dianna Agron - Le Mimosa


       La Violette a mit un peu plus de temps à me conquérir : les violettes sont le chasse-gardé de ma mère. Ah et, "accessoirement" je n'aime pas la violette... Je suis toujours frustré par sa timidité, sa fugacité. Mais pour dessiner cette violette là, le pinceau gonflé de muscs laisse courir de larges sillons mauves sur du papier en sucre à grain serré. La violette, encore une fois loin du souci de paraitre naturelle, se veut plutôt bonbon à l'ancienne. Le sillage est mauve, vif et translucide, finalement très portable pour du bonbon : sans jamais être écoeurante, elle reste présente et claque comme une bulle de chewing-gum sous le regard défiant d'une collégienne.

Mélissa Mars - La Violette


       Le Jasmin est un peu à l'opposé du spectre, dans le sens où il évoque davantage la femme que la jeune fille. Et ce malgré la filiation avec Petite Chérie, suffisamment évidente pour ne pas la développer : on retrouve le duo poire juteuse – muscs en tête, mais le soliflore se distingue par la suite. Tout en transparence, débarrassé d'indoles, un jasmin vert et frais s'installe sur la peau. C'est ce qui le rend si "easy to wear" pour un jasmin, mais l'eau n'est calme qu'en surface : en sourdine, il crépite comme un nuage avant la pluie, sa verdeur devient presque entêtante... Il a ce petit côté femme fatale orageuse (pour ne pas dire chieuse), au ricanement menaçant comme le tonnerre, débordante d'assurance.

Ashley Greene - Le Jasmin


       Une autre déclinaison du bien-connu thème de Petite Chérie se retrouve encore dans Le Muguet. Je l'ai découvert cette semaine, je ne sais pas pourquoi je n'étais pas curieux de le sentir avant... Peut-être parce que, comme le dirait quelqu'un que je connais, "porter du muguet, c'est toujours un peu chiant" ? Certainement. Mais, héhé, vous commencez à connaitre la chanson maintenant, ce n'est pas franchement du muguet chez Goutal ! C'est une interprétation de la fleur du bonheur, construite autour d'une colonne vertébrale de poire pas encore mûre, cajolée de muscs et d'hédione. Les fleurs blanches sont traitées de manière astringente, et font ressortir leurs facettes vertes du mieux qu'elles peuvent. Malgré tout je n'arrive pas à cerner précisément le parfum des petites clochettes blanches, et il est vrai que cette interprétation du muguet se veut avant tout portable : elle compte sur un sillage un peu lessiviel à la Chloé pour évoquer la blancheur et la pureté du muguet. Blanc et pur, mais surtout textile et hypersage comme un chemisier boutonné jusqu'en haut. C'est marrant comme une fleur cataloguée "chiante" arrive à se dégager du qualificatif justement sans chercher à se dévergonder mais, au contraire, en allant à fond dans la direction opposée, comme par fierté ou esprit de contradiction. By the way, je pense qu'il s'agit du 'flanker officieux' de Petite Chérie que je préfère.

Lana del Rey - Le Muguet



       Bon, promis, là j'en ai fini avec les variations d'un demi-ton de Petit Chérie. J'aimerais vous parler de roses, et la raison voudrait que j'évoque Rose Absolue, premier soliflore rose de la marque, mais... je le trouve d'une platitude affligeante, et pas plus original ni plus complexe que le parfum d'un papier toilette un peu cher. Mon cœur est tout entier tourné vers la dernière Rose Splendide. 

       J'ai dit tout le bien que j'en pensais dans un article sur Auparfum, à sa sortie, au printemps dernier. En voulant le ressentir deux mois plus tard, la vendeuse m'apprenait qu'ils n'avaient déjà plus de flacons en stock ! Victime de son succès, ce qui était prévu pour être une édition limitée restera un peu plus longtemps dans les backs finalement ? 
Je ne connais que l'eau parfumée, mais je ne crois pas qu'elle diffère de l'eau de toilette. Une chose est sûre : elle reprend le délicieux accord de la gamme soin de la marque. La rose est fraiche, à peine fruitée (vraiment, à peine pour une fois) sertie d'herbe coupée. Elle se fond près de la peau sur des notes de magnolia légèrement cosmétique. Mais ma partie préférée reste le fond-du-fond-de-l'archi-fond, dont la fine amertume m'évoque les pépins de pomme. Une rose citadine, matinale, les pétales en friche, délicieusement imparfaite.

Mélanie Laurent - Rose Splendide



       Parler toute la soirée couchés dans l'herbe, courir pieds nus jusqu'à la maison quand tombe l'averse, respirer les bouquets de jonquilles dans l'entrée en écartant une mèche de cheveux trempés...

       J'ai gardé mon préféré pour la fin. Un coup de cœur immédiat... Je ne saurais pas dire s'il sent le chèvrefeuille de près ou de loin puisque je n'en ai jamais senti. Reste que ses notes de narcisses, de lierre et d'herbe coupée en font un délicieux parfum vert, sans aucun rapport avec le Chèvrefeuille d'Yves Rocher. Les jonquilles sont une des rares odeurs qui ont marqué mon enfance, et je suis assez dépité de ne pas pouvoir plus en retrouver l'odeur en flacon....J'espère avoir des amis parfumeurs dans une dizaine d'année pour remédier à ça, mais en attendant je me contenterai du Chèvrefeuille de Goutal. Son départ légèrement citronné, fugace, reste symboliquement présent tout le long grâce à l'acidité du cœur floral (acidité que je retrouve dans Grand Amour, d'ailleurs). Pour ce qu'il m'évoque, par sa richesse insoupçonnée et par la finesse avec laquelle il est traité, ce parfum a un pouvoir incroyablement apaisant sur moi. J'aime quand il m'accompagne dans la fraicheur des nuits printanière, mais mon échantillon se vide dangereusement vite..... Je veux tous les soliflores, mais aucun doute dans l'ordre de mes priorités : c'est ce flacon là que je vais rechercher en premier.

Jennifer Lawrence - Le Chèvrefeuille



       Et il y en a bien d'autres, mais je n'en parlerai pas ce soir : la tubéreuse, gardénia passion.... Et puis il y a les discontinués, comme Des Lys, que j'aurais bien aimé sentir... Enfin il y a ceux qui sont sur la sellette, comme le Néroli !! Une vendeuse m'a dit qu'ils allaient l'arrêter, c'est à n'y rien comprendre : il est pourtant salué et reconnu par les amateurs de parfum comme l'une des plus belles fleur d'oranger du marché... 



       Bref, voilà. Je sais que ça peut paraitre louche de parler en des termes aussi élogieux d'une marque, mais là ce n'est ni plus ni moins qu'un cri du cœur : Isabelle je t'aiiiiiiiiiiiiiime ! <3