jeudi 3 mai 2012

By Kilian - Asian Tales : Bonjour, je veux des sous

A l'image de certains candidats pour le Parfum Ultime qui Trône à l'Elysée, grappillant des voix éparses chez les parfums des extrêmes, nous avons aussi des marques qui abusent de démagogie olfactive, dans le seul but de se faire des sous.



Après un petit défilé de pseudos oud (tentant vainement de reproduire des effets de Portrait of a Lady par ci, ou se contentant d'ersatz au benjoin par là), pour messieurs dames du Moyen-Orient ; notre cher Kilian se pare de dos dénudés, de bonzaï et de galets gris... Je m'interdisais de songer qu'on puisse ENCORE trouver pertinent de nommer "Bamboo Harmony" un parfum sur l'Asie. Que nenni ! Faisons chuter notre crédibilité comme un goéland tétraplégique : c'est décidé, chez Kilian on roule sur le cliché !

Bien. Séquence je révise mon bac de géo : l'Asie est LE continent émergent. Quatre dragons habitent ces terres, et le pays le plus peuplé au monde, dont la consommation tend à rejoindre au fil des ans celle du modèle américain (en gros : beaucoup) se démarque de plus en plus, notamment sur le plan économique.

Qu'à cela ne tienne : vendons du parfum là-bas.
Or, pas besoin d'avoir un doctorat sur les mœurs asiatiques pour savoir que la parfumerie n'y est pas vraiment consommée comme chez nous. Tel un esthétisme gustatif basé sur la neutralité, le parfum selon l'usage asiatique se veut discret, à l'image de la nature, simple.

Seulement, simple ne veut pas dire insipide.


Avec tout le respect que je dois à la parfumerie fonctionnelle, Water Calligraphy sent - comme l'a pertinemment fait remarquer notre cher Opium-Tom - le shampooing Elsève, avec ses relents de je-ne-sais-quoi-qui-sent-le-fruit et ses effluves de cheveux propres. Kilian : 175€ - L'Oréal : 3,55€ (oui, j'ai vérifié). Un résultat qui tombe dans le stéréotype feng shui/bougie sur l'eau niveau communication, et dans le floral aqueux musqué olfactivement.



Toujours grâce au nez de notre Opium-Tom, Bamboo Harmony a lui aussi été décortiqué. Nostalgiques n'at-ten-dez plus ! Re-découvrez grâce à la bonté créatrice de Kilian feu le gel douche Fa au thé vert ! (mon dieu... quelle cohérence !!). Quant à la fâcheuse ressemblance avec L'Eau Parfumée au Thé Vert, sachez qu'ils se justifient là-dessus : "ouais, mais nous il tient". (le perfumista qui est en toi a envie de se mettre debout sur le stand de la Scent Room et de crier "Qui s'en fout ?").



Petite remarque...
Si nos fans de oud de Dubaï se sont fait douillés avec les Arabian Nights et si les esthètes asiatiques se font bassement séduire, alors pourquoi les perfumistas n'auraient-ils pas été dupés ?

Je l'ai déjà dit ici sur auparfum, à l'occasion de la clôture de l'Œuvre Noire avec Sweet Redemption : si les créations de Sidonie Lancesseur respirent une certaine originalité, et si on ne peut nier l'implacable technique des parfums de Calice Becker, tout est teeeellement calibré ! Un peu de noir par ci pour les poètes rebelles incompris, un peu de plumes d'écrivain maudit par là... Allez, des petites références musicales hype, ils seront contents ! N'oublions pas nos affamées de sucres, donc un peu de Love ne fait pas de mal...
Mais voilà, qu'est ce qu'on s'ennuie ! A vouloir faire LA meilleure tubéreuse, LE meilleur jasmin ou LE meilleur boisé, L'Œuvre Noire se noie dans la copie de ses confrères innovateurs et spontanés, notamment Serge Lutens et Frédéric Malle.

Si certains parfums signés Kilian ne sont pas à jeter, que dire... à défaut d'intention dans le passé, et désormais d'honnêteté commerciale et de créativité, songez au pouvoir de votre porte-monnaie en ces périodes d'augmentation dans le prix de nos jus les plus chers.

Comme le dit Poivre Bleu, contre le vol, votez avec votre porte-monnaie !

"Perfume as an art" qu'il disait...
J.