Ah ! Nana ! Quelle femme !
Nana, beaucoup la connaisse grâce à Emile Zola, qui dans son roman éponyme décrit ses frasques dans le monde parisien.
Mais pour ma part, je la découvre grâce à un signe de présence particulier : son sillage. Oui, car à vrai dire, je n'ai vu qu'une seule fois Nana. Elle passait en coup de vent se poudrer une dernière fois le visage dans son magnifique appartement Haussmannien, à la décoration assez chargée. Car Nana est une femme moderne. Elle est toujours actrice, et désormais, en femme du monde accomplie, elle alterne entre les planches des théâtres les plus prestigieux, et les rues parisiennes. Nana est, d'un certain côté, un people sans l'être : elle fascine, mais personne n'arrive à la saisir. Elle correspond au type de personne qui semble disponible et attentionnée, mais est au final, elle paraît presque inaccessible. Comparée à ses cousines, les Fleurs du Malle, exister en harmonie avec Nana peut paraître totalement impossible. Et pourtant, elle galvanise quiconque la voit.
C'est bien beau tout ce que je raconte là, mais ça fait dix minutes que je reste sur le seuil de cette pièce chargée du sillage de Nana, à ne pas bouger, ébahi et plongé dans mes réflexions. Tout semble suspendu : rien ne bouge. L'odeur semble imprégner le lieu, mais forme en même temps un bloc. Disons que ce petit salon sans le sillage de Nana n'aurait eu qu'un charme limité, voir proche du néant.
Mon esprit me fait voir en filigrane l'image d'une Nana se repoudrant les joues avec une houppette ornée d'un petit noeud pastel, puis mettant un autre accessoire ultime : son rouge à lèvre. Doux, sensuel, tout était réuni pour me faire perdre dans mes pensées à nouveau. La vision qui me vient tombe surement dans le cliché, mais quand je reste dans cette pièce, je me revois fouiller dans les tiroirs de maquillage de ma mère, à sortir son bâton de rouge à lèvres, juste pour l'ouvrir et le sentir. Puis ranger le tout de la manière la plus proche possible et sans faire de bruit, comme si je n'avais rien touché.
Oui, c'est un peu une sorte d'amour interdit qui voit le jour. Espérons qu'il p... Oh ! J'entends des bruits de pas dans le couloir. Et mince, mince ! Les instincts de l'enfance reviennent : tout remettre en place, et partir silencieusement. Je m'y applique et je parviens à sortir du petit salon. Ca y est, je ferme délicatement la porte massive de la pièce, c'est bon !
Je me retourne et...
"Vous permettez"
Nana, dans un sourire immensément plaisant passe juste sous mon nez, l'oeil emplie de joie de vivre.
Nana, Manet