samedi 27 novembre 2010

Lisptick Rose - Le parfum de Nana


Ah ! Nana ! Quelle femme !
Nana, beaucoup la connaisse grâce à Emile Zola, qui dans son roman éponyme décrit ses frasques dans le monde parisien.

Mais pour ma part, je la découvre grâce à un signe de présence particulier : son sillage. Oui, car à vrai dire, je n'ai vu qu'une seule fois Nana. Elle passait en coup de vent se poudrer une dernière fois le visage dans son magnifique appartement Haussmannien, à la décoration assez chargée. Car Nana est une femme moderne. Elle est toujours actrice, et désormais, en femme du monde accomplie, elle alterne entre les planches des théâtres les plus prestigieux, et les rues parisiennes. Nana est, d'un certain côté, un people sans l'être : elle fascine, mais personne n'arrive à la saisir. Elle correspond au type de personne qui semble disponible et attentionnée, mais est au final, elle paraît presque inaccessible. Comparée à ses cousines, les Fleurs du Malle, exister en harmonie avec Nana peut paraître totalement impossible. Et pourtant, elle galvanise quiconque la voit.

C'est bien beau tout ce que je raconte là, mais ça fait dix minutes que je reste sur le seuil de cette pièce chargée du sillage de Nana, à ne pas bouger, ébahi et plongé dans mes réflexions. Tout semble suspendu : rien ne bouge. L'odeur semble imprégner le lieu, mais forme en même temps un bloc. Disons que ce petit salon sans le sillage de Nana n'aurait eu qu'un charme limité, voir proche du néant.

Mon esprit me fait voir en filigrane l'image d'une Nana se repoudrant les joues avec une houppette ornée d'un petit noeud pastel, puis mettant un autre accessoire ultime : son rouge à lèvre. Doux, sensuel, tout était réuni pour me faire perdre dans mes pensées à nouveau. La vision qui me vient tombe surement dans le cliché, mais quand je reste dans cette pièce, je me revois fouiller dans les tiroirs de maquillage de ma mère, à sortir son bâton de rouge à lèvres, juste pour l'ouvrir et le sentir. Puis ranger le tout de la manière la plus proche possible et sans faire de bruit, comme si je n'avais rien touché.

Oui, c'est un peu une sorte d'amour interdit qui voit le jour. Espérons qu'il p... Oh ! J'entends des bruits de pas dans le couloir. Et mince, mince ! Les instincts de l'enfance reviennent : tout remettre en place, et partir silencieusement. Je m'y applique et je parviens à sortir du petit salon. Ca y est, je ferme délicatement la porte massive de la pièce, c'est bon !

Je me retourne et...

"Vous permettez"

Nana, dans un sourire immensément plaisant passe juste sous mon nez, l'oeil emplie de joie de vivre.

Nana, Manet

jeudi 18 novembre 2010

Iris Ukiyoé - Iris, Dimanche pluvieux, moi moi et moi

S'il y a un autre film qui a marqué mon enfance, il s'agit de Prince & Princesse, de Michel Ocelot. Une série de 6 contes en ombres chinoises, dont l'ambiance est executée par un jeune homme et une jeune femme, aidés d'un vieux monsieur, qui occupent un cinéma de quartier délabré, aux délicieux accents rétro.
Tout se joue sur leur passion de jouer des scènes au gré de leur envies.
Le manteau de la vieille dame est le 4ème conte de Prince & Princesse, je vous laisse regarder cette parenthèse visuelle, symbole, selon moi, de la nouvelle vision de l'iris par Jean-Claude Ellena.



Aujourd'hui, il pleut dehors. Il fait gris, froid. On est dimanche, et je pense que comme tout le monde, rester dans son lit, à regarder un film est la meilleure des solutions.

Se glisser sous la couverture violette pâle, sur les draps blancs et froids procurent des frissons Ô combien excitants. Présages d'une douce heure à venir où le monde se suspend. On se sent soi : personne ne nous voit, on ne doit rien à personne. On retombe dans un bonheur enfantin, où tout semble se dresser dans un équilibre parfait et où l'on semble, et ce sans aucun égocentrisme, être le centre du monde.

Il faut alors regarder un film de l'enfance. Rester soi-même, jusqu'au bout. On recale son oreiller, on arrange ses pieds pour ne pas qu'ils aient un quelconque contact avec l'air froid de la chambre, stagnant dans un air froid et pur.

Tout tourne autour des sensations.

Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
A. Rimbaud, "Sensation"

Pleins de petits moments innocents où tout nous revient : la couleur jaune fade illuminant les pages ocres d'un livre plus grand que notre tête, alors assez respectable pour un enfant de 10 ans. Le bruit, l'odeur, et la vision d'un comprimé effervescent que l'on fait observe jusqu'à ce qu'il "remonte" jusqu'à la surface du verre. L'odeur vaguement électrique de la laine d'un plaid orange. Des frissons nous remonte. On met en route le film.

A vrai dire, on connait tous les dialogues par coeur, les intonations, et mêmes les mimiques des personnages. On rigole tout seul, comme lorsque l'on parlait aux arbres de la cour de récré quand on avait 7 ans.

Pis tout nous revient. L'endroit où on avait l'habitude de voir ce film ! 

Pour ma part, c'était chez mon père, alors que son appartement était en travaux pour faire un escalier. Impossible de sortir de la chambre, donc je regardais Prince & Princesse, en boucle. Je me souviens du vendredi soir où on m'a déposé chez lui. J'ai dû passer à travers l'allée qui conduit à notre maison, et où il cultivait (et cultive toujours), de délicates iris. Des iris de la couleur de mon actuelle couverture. 

Car (ironie du sort ?), tout ce qui est décrit, c'est moi : le plaid orange à la douce et chaude odeur de laine, la couette aux teintes des iris, le petit garçon qui riait avec les arbres et qui apprenait Arthur Rimbaud, celui qui récite mot mot tout le dialogue du film. Et tout ce qui est décrit, c'est Iris Ukiyoé. Un ami si juste, tout en subtilité dans ce qu'il transmet, qu'il est lui même l'âme du dimanche serein. L'odeur du plaid en laine orange, de la couverture et des draps froids que l'on réchauffe. L'humidité ambiante, les comprimés de vitamince C, les iris de papa, l'escalier, le film, les livres. Tout y est, tout est dit.

Jicky est désormais nu.

jeudi 11 novembre 2010

Iris Silver Mist - Iris Elfique

Dans le registre musique de film, j'aime beaucoup aussi Howard Shore. Je vous propose aujourd'hui d'écouter son morceau Lothlorien, issu du film Le Seigneur des Anneaux, qui est selon moi l'incarnation auditive d'Iris Silver Mist, de Serge Lutens. Ecoutez d'abord le morceau en entier en faisant autre chose par exemple, puis une deuxième fois en lisant l'article. L'idéal est cependant d'avoir le parfum sous le nez =D !


Je parcourais les bois, noyés dans une brume fine. Il faisait froid, et de lointaines voix imaginaires m'envahissaient progressivement la tête. La mousse qui jonchait le sol humide semblait parler à mes pas, que je tentai de rendre le plus léger possible.

Les voix s'intensifiaient, et elles faisaient écho au silence qui planait dans la forêt, baignée du brouillard de la nuit. Je remarquai alors comme de petites lumières d'un bleu électrique, qui apparaissaient dans un clignement étincelant. Au même moment, les voix se sont élevées ; elles ne venaient pas de ma tête. Une vague odeur sèche me pris. Elle émanait du sol, qui semblait s'être asséché soudainement. D'ailleurs, les teintes brunes aux facettes vertes de la terre s'étaient toutes teintes de gris. Et cette coloration formait un chemin, qui lui même était éclairé par les lueurs.

Dès que j'entamai le premier pas, la forêt fut assourdie par une tonalité sombre, noire, qui contrastait de manière évidente avec la clarté des lumières dans la brume. Soudainement, les lueurs partirent dans le lointain.

Je courrai pour essayer de les rattraper, mais aussi pour fuir les cors sinistres. Puis les lumières s'arrêtèrent, moi les imitant aussitôt. Et tout s'éteignit : le bruit, les couleurs, les odeurs. Je n'avais plus aucune accroche avec le monde vivant.



C'est alors que, simultanément, la brume se dissipa, la forêt se teinta d'argent, la température atteint un froid inexplicable et les voix reprirent leur chant dans une plainte infinie. L'odeur, l'essence même de la forêt, semblait s'élever du sol, comme par évaporation et se matérialiser devant mes yeux. Un halo de lumière grise étincelant se forma, s'assembla et forma une silhouette drapée d'une longe robe blanche, avec des reflets d'argent dans les plis. C'était elle. La reine, la majestueuse, la grande. D'une beauté froide et d'un autre temps, elle semblait maitriser tout l'environnement. Elle dégageait une odeur qui représentait toute la nature de cette forêt : froide, sèche, terreuse, pleine de brume et d'un gris constellé.

Sa beauté n'avait d'égale que sa distance. De son regard d'acier, elle dominait le monde. Pourquoi m'était-il donnér de pouvoir la contempler ?

Une voix se précisa dans la nuit noire de la forêt. Elle était... ensorcelante. Elle semblait pleurer pour les arbres majestueux, qui ne pouvaient exprimer leur amour pour cette reine. Toute la nature était suspendue au rythme de cet être majestueux.

Elle s'en alla sur le côté gauche d'un saule, où trônait une sculpture de pierre brute. Aux côtés de la vasque de pierre, un récipient d'argent était disposé de manière à refléter le creux intérieur de la sculpture. De l'eau. La reine prit cet objet précieux, et le plongea dans le bassin.



Elle se pencha vers le sol et versa tout son contenu sur la terre toute sèche, grise et froide. Et la reine disparut, comme couverte et aspirée par la brume. Du contact de l'eau du bassin de pierre et de la terre, naquirent des iris, allégories de cette reine d'une beauté mystique, mais dont l'inaccessibilité pouvait ruiner tout homme l'ayant vu.

lundi 8 novembre 2010

L'Heure Folle - Pomone et Perséphone quittent leurs maris



Il est parfois des passages de notre vie qui sont difficiles.
Pomone, cette déesse grecque des fruits, mariée à Vertumne, ainsi que Perséphone, déesse des saisons et du printemps (entre autre bien évidemment), mariée à Hadès, sont elles mêmes des victimes de ce fléau moderne qu'est le divorce.

Pomone, celle là même qui succomba à Vertumne à la suite d'une séduction plus qu'impressionnante de la part de ce dernier, ne supporte plus la vie lancinante qu'elle vit depuis plusieurs siècles.
Et dans un second temps, Perséphone, une légende vivante dès sa naissance. Être la fille de la déesse des moissons aide beaucoup, surtout quand on devient soi même déesse des saisons et du printemps... D'ailleurs tout le monde se souvient de cet événement divin-people : l'enlèvement de Perséphone par Hadès. On rapporte qu’elle ne supportait plus l’étouffement de l’enfer qu’elle vivait.

Mais que sont-elles devenues suite à leurs divorces ?

L'histoire mentionne rarement des unions telles que Pomone et Perséphone. Leur rapprochement semblait inévitable. Elles se sont assemblées. Unies.

Nous les avons rencontré dans leur havre "de paix", dans une clairière qu'elles ont elles même nommée Le Printemps, en hommage à l'œuvre de Botticelli.

Dans cette œuvre, Botticelli joue sur l’allégorie des personnages et des lieux antiques : le jardin des Hespérides et les pommes d’or, qui définirent d’ailleurs un des douze travaux d’Hercule. On note aussi la présence de Cupidon et des trois Grâces, et même de Vénus au centre, avec l’air d’être enceinte, enceinte du monde, prêt à revivre pour le Printemps.

Accéder au Printemps de Pomone et Perséphone est une véritable aventure en elle-même. L'arrivée se fait aux jardins des Hespérides, qui pour le coup a abandonné ses pommes d’or. C'est un peu une sorte d'antichambre : impossible de mettre ses pieds là où l'envie nous prend. Car Le Jardin des Hespérides a des airs de joyaux dévastés. Tout brillait, mais maintenant, c’est l’obscurité qui règne en maître ! D'un côté, le clan Pomone et de l'autre le clan Perséphone, constitués eux même de satyres, de faunes, et d’humains. Les pro-Pomone jettent sur les Perséfans tous les fruits qui leurs tombent sur la main : des pêches, des fraises, des baies types mûres, groseilles, framboises, des cerises. Les Perséfans tentent de répliquer en larguant non pas ce qui explose et éclabousse, mais ce qui fait mal : des citrons verts pas murs et très durs, des ronces, des épines et autres concentrés d'acidité de fruits. Et nous de passer dans le no man's land, tentant d'éviter tantôt les lances-coulis (une nouvelle arme, cousine du lance-flamme, mais avec du coulis de grenade), les bazoograins et les fusils à plante.

C'est réellement un étonnement, de voir autant d'éparpillement, de cohue, alors que Le Printemps se dit être un havre de paix.




C'est après la traversée de ce Vert-Dun que l'on peut enfin accéder au Printemps. Etrangement, c'est la tête reposée et soulagée que l'on peut y entrer... Et contrairement à ce qu'on pourrait croire à la suite de l'épisode du jardin des Hespérides, Pomone et Perséphone sont vraiment très proches...

Elles dansent en plein milieu de la belle clairière. 

Quand nous arrivons, nous sommes de suite caressés par des voiles de soie, à la texture aussi douce que de l’herbe fraiche, voiles qui nous ont été eux-mêmes distribués par de petits angelots, voletant au-dessus de nous. De belles dryades, toutes de bourgeons vêtues, nous ont offert de délicates petites bouchées de violettes au laurier. La douceur verte de l’arôme de la fleur contrastait de manière éclatante avec le Lauracée. C’est ensuite que Pomone et Perséphone se sont arrêtées. De leurs regards profond, d'une couleur indéfinissable semblaient jaillir des flammes de Nature, toute la vie semblait s’extraire de leur souffle un peu effréné. Puis elles nous ont sourie. 
Ces instants ont été d'une rare magie, car les deux déesses jamais ne parlaient. De leurs gestes graciles, elles nous ont menés vers un endroit un peu plus reculé de la clairière. De petits farfadets aux sourires malicieux s'amusaient d'ailleurs à se téléporter un peu partout au même moment, avec une délicieuse odeur terreuse à chaque disparition et une odeur de feuille de buisson à chaque apparition. 

Puis Pomone a cueillie une baie. Une seule. Sans rien dire, elle nous l'offrit et nous la mangeâmes.




Et c'est à partir de ce moment que je ressentis toute la richesse, la profondeur du Printemps. Ce monde irréel entre guerre et paix, acidité et amertume, beauté et froideur, complexité et simplicité. Un monde de trapéziste, tout en équilibre, où les humains côtoient les dieux, où les humains créent des Dieux. 
Durant ce  moment de dégustation, chaque seconde pouvait être une heure, tant la complexité de la chose était incroyable.
Une heure incroyablement charnue, vivante. Une heure folle.

La baie était une canneberge