mardi 22 mars 2016

Hermès, Eau de Rhubarbe Ecarlate - sentir riche VS sentir mignon

#jesuisphoebus



Avant de la sentir, je ne pouvais m'empêcher de fantasmer sur une eau de rhubarbe verte, acide, râpeuse et altière - une petite merveille de texture sur la langue, comme le Narcisse Bleu ou la Gentiane Blanche, mais avec une fulgurance semblable à celle de l'Orange Verte ou du Pamplemousse Rose. Cela pouvait s'inscrire en parfaite harmonie dans la gamme des Colognes Hermès de si bonne facture. Ce pouvait être un chef-d’œuvre. Je l'y voyais déjà.
 

Ce fut une grosse déception : des fruits rouges et beaucoup de muscs propres. Si personne ne m'avait dit que j'étais censé sentir une rhubarbe... Aucune acidité râpeuse à l'horizon, qui est pourtant la signature d'une rhubarbe fraiche, et pas non plus de dualité vert-rouge, qui aurait pu apporter une dynamique de bon ton, ou du moins un propos à l'ensemble.
Au lieu de cela, on est aux prises avec une eau monochromatique (oui car, on lui doit au moins ça, ça sent "écarlate", 1/2 check). C'est monolithique, complètement premier degré, tout est déballé sans nuances ni facettes. Certes c'est mignon, mais qui va chez Hermès pour sentir mignon ? Parlez maintenant ou taisez-vous à jamais. *criquets*.


Presque


Bon, ça c'était ma première impression à chaud. Moi pas content. Mais je dois aussi me mettre à la place de Nagel : aucun créatif ne se lance dans le game pour faire de l’imitation (et quand je relis mon premier paragraphe c'est exactement ce que j'attendais de la rhubarbe, quelque part, non ? Un style qui n'était pas le sien). Dans un univers parallèle, où elle aurait imité Ellena, ne lui aurions-nous pas reproché cela ? Sa position est compliquée, il faut en être conscient, et lui laisser le temps de se placer.




Reste donc une ultime question pour juger cette cologne : est-ce que ça sent Hermès ? On serait tenté d'affirmer que non, en tapant du marteau à en faire tomber sa perruque. Mais ce qu'on voudrait dire par là, surtout, c'est que ça ne sent pas Ellena. Or, Hermès a eu une vie avant Ellena, et un style bien poupoule qui n'avait rien à voir avec la signature évanescente qu'on apprécie tant. Comment ne pas penser à Rouge ? Comment ne pas le comparer à l'Eau de Rhubarbe Écarlate ? Une même couleur, deux époques, deux visions de la même marque.


Speaking of. Un changement n'arrivant jamais seul, il est intéressant de noter que, côté fringues également, Hermès se dote d'une nouvelle directrice artistique. Son petit nom, c'est Nadège Vanhee-Cybulski, et dans une interview intéressante (que vous pouvez lire ici ), il lui est justement posé la question de la lourdeur de l'héritage. Y'a t-il des choses qu'on doit faire chez Hermès, et au contraire des choses qu'on s'interdit de faire ? Sa réponse est sans ambiguïté : elle ne se bride pas sous prétexte qu'il existe une certaine idée de l'image qu'Hermès doit renvoyer. Et elle a bien raison, finalement, ce serait sclérosant. 
Partant de là, on peut bien accepter quelques fruits rouges chez Hermès, et en conséquence peut-être, l'introduction à une nouvelle clientèle qui a d'horribles tennis lumineuses et qui veut sentir mignon, en attendant de pouvoir apprécier plus tard de sentir riche. Une chose est sûre : Hermès aura une vie après Ellena, et ce sera inévitablement différent.






5 commentaires:

  1. Oui, on a bien compris, mais pour les addicts d'hermès-Ellena, cela veut dire qu'on ne s'y retrouvera pas.... Dommage.... Quant à essayer, je veux bien et je vais le faire, je ne suis pas réfractaire aux nouveautés, mais quand tu parles de tennis lumineuses, de sentir mignon je ne suis pas certaine d'y adhérer.... Reste à savoir si cette génération fluo aura les moyens de s'offrir quelques flacons d'un Hermès assez couteux somme toute, tout en ayant l'air un peu "cheap"...On attendra la suite pour définir le style Nagel-Hermès, en ayant l'espoir d'une heureuse surprise, pas du Ellena, mais un hemès qui sorte tout de même de l'ordinaire... Allons, mademoiselle Nagel, faites nous rêver un peu....

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  2. JulienFromDijon23 mars 2016 à 06:48

    Tu es sûre que Christine Nagel est le nez?
    Ces deux eaux étaient citées dans un ancien article sur le départ d'Ellena. C'est là où j'ai pris connaissance de leur future sortie.
    Elles étaient dit comme les dernières créations d'Ellena pour Hermès, et qu'elles sortiraient après son départ.
    (Après, tout est possible : Dans l'ordre, les marques déposent le nom du parfum pour pas se le faire chiper, puis se décide sur la formulation finale du parfum. Et avant qu'un parfum ne sorte, la composition et la paternité peuvent avoir changé.
    L'enjeux est de savoir si une mystérieuse eau de rhubarbe d'Ellena nous est dissimulée.

    Pour une rhubarbe d'Ellena chez Hermès, on peut toujours acheter "Rose Ikebana" dans la ligne exclusive. (Mon dieu que les prix des lignes exclusives ont augmenté)

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  3. Oui, ce premier pas de Christine Nagel chez Hermès était assurément le plus délicat. Difficile de succéder à Ellena tant il a marqué durablement la marque Hermès de son empreinte. Alors que Nagel évite le piège de « l’imitation » du style Ellena, c’est plutôt appréciable, effectivement.
    Est-ce que ça sent Hermes ? Je ne sais pas, et la question ne se pose pas vraiment dans l'immédiat. C'est le temps qui nous dira si les créations de Nagel, leur signature et leur cohérence, impriment l'univers Hermès (et inversement).

    Par contre il reste une troisième question, que tu n’as pas posée et qui me semble pourtant pertinente : Est-ce que cette Rhubarbe Écarlate s’inscrit correctement dans la gamme des colognes Hermès ?
    Et la réponse est malheureusement aussi évidente qu’indéniable : non.

    Le simple fait de comparer dans cet article la Rhubarbe Écarlate à Rouge d’Hermès, et de souligner à quel point elle est éloignée de Narcisse Bleu, Gentiane Blanche, Orange Verte ou Pamplemousse Rose… c’est en soit la preuve formelle d’un hors-sujet de la part de Nagel.

    Lorsqu’Ellena crée cette gamme de colognes, autour de l’historique Eau d’ Orange Verte de Françoise Caron, il utilise et recycle cet héritage pour développer une ligne cohérente à la signature clairement identifiable. De même, Terre empreinte des éléments de l’Eau d’Hermès de Roudnitska… et ces exemples sont nombreux. Utiliser les solides bases de la marques pour les transcender, sans jamais renier cette identité forte et sans non-plus tomber dans l’imitation, c’était ça la force de Jean-Claude Ellena.
    L’Eau d’Orange Verte était ainsi devenue clairement un membre à part entière de la famille des Eaux de Machins Colorés d’Hermès, et pas juste un vieil oncle qui fait office de disgracieuse pièce rapportée.

    Avec sa Rhubarbe Écarlate, Christine Nagel fait, au mieux, un pas de côté par rapport à la marque et son héritage ; Au pire, c’est un véritable pas en arrière, un retour à une époque où la marque manquait cruellement de cohérence entre Rouge, Kelly Calèche, 24 Faubourg, Eau des Merveilles et Hiris (qui en soit sont de belles créations, là n’est pas le problème).
    Ce faux-pas n’engage rien de bon, mais je resterai attentif au développement du style Nagel chez Hermès, avec l’espoir d’une bonne surprise.

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    1. Bonsoir Anonyme ! Et merci pour ce long commentaire intéressant.

      Vous faites bien de me reprendre sur la paternité de l'eau d'orange verte ! Je n'arrive jamais à me rentrer dans le crâne qu'elle n'est pas une création d'Ellena ! Effectivement, ce dernier a su être adaptable en recyclant et développant une partie de l'héritage de la marque pour l'ériger en véritable signature.
      C'est une politique de création. A la fin de l'article, j'ai émis l'hypothèse d'un parallèle entre la nouvelle DA d'Hermès et Nagel : là pour le coup on serait dans une politique de création bien différente, qui ne se refuse rien, même pas ce qui serait considéré comme indigne de la marque.. Et ce n'est pas une mauvaise chose, une autre qualité peut jaillir de nouvelles possibilités. Par ailleurs, j'ai pu lire ces dernières années quelques critiques sur le style Ellena, certains s'exaspèrent de "redites" (là où d'autres voient la déclinaison et l'approfondissement d'un style, une pièce a toujours deux côtés...). Ce n'est donc peut-être pas une mauvaise chose, pour la marque, de changer d'approche, vu qu'elle doit sans cesse produire de nouveaux lancements pour être économiquement viable sur ce marché.

      En ce qui concerne la question de savoir si l'ERE s'intègre bien dans la gamme, ma foi c'est vrai que je ne pose pas la question directement mais j'y réponds en diagonale dans l'article.
      Plus j'y pense et plus je me demande si Nagel avait vraiment beaucoup de marge de manœuvre. Il manquait un flacon rouge et un flacon jaune dans la gamme pour faire un joli arc-en-ciel (allez-voir un stand hermès !), ça attire l’œil, c'est vendeur.. Du coup je soupçonnerais presque le service marketing d'avoir spécifiquement commandé deux parfums à mettre dans un flacon rouge et un flacon jaune. Ce qui impliquerait que l'ERE ne soit pas une création qui se soit imposée d'elle-même (comment le pourrait-elle, elle est si impersonnelle...), mais soit le fruit d'une commande, d'un brief... Une eau de rhubarbe écarlate, qui doit sentir "le rouge", surtout pas le vert.

      Bon, j'arrête de me faire l'avocat du diabolo grenadine. Tant mieux si ça leur apporte un peu d'argent au passage. On attend la suite de pied ferme.

      PHOEBUS

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  4. Bonjour,
    Mes références en rhubarbe étaient l'Aedes de Venustas ou encore le Pamplemousse/Rhubarbe de l'Occitane, le terrain de jeu était donc possiblement vaste (je veux dire mes oeillères étaient réglées sur ouverture max ;) ).
    Quand j'ai senti celle d'Hermès, j'ai simplement été déçue, parce que pas de vert, parce que pas de note qui accroche (comme le pamplemousse râpeux dans Un jardin sur le Nil par exemple, ou la note aromatique dans Un jardin en Méditerranée, ou la note astringente dans la Gentiane blanche).
    Je me console en me disant que élargir l'audience avec cette Rhubarbe, c'est peut-être un moyen pour la maison de continuer à produire et diffuser en boutique propre les références sorties de Séphonaud.
    Merci pour votre travail,amicalement, Aurélie.

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