mercredi 10 juillet 2013

Dzongkha - L'Artisan Parfumeur : Dédale

Peut-être vous est-il déjà arrivé, comme moi, d'être confronté à une situation délicate vous obligeant à suivre les pas d'une tierce personne : votre père sur la place du marché, votre amour secret sur le trottoir gauche de la grande avenue ou le pourvoyeur d'une société spécialisée dans l'élevage de chats sauvages le long d'une route abandonnée. Ainsi, vous savez que, réciproquement, quelqu'un peut être sur vos pas, expression signifiant ici "vous suivant avec acharnement jusque dans les plus sombres recoins d'un labyrinthe désaffecté pour des raisons qu'il vaut mieux ne pas savoir". Cependant, il est une possibilité souvent négligée dans cette course poursuite par pas interposés : suivre ses propres traces.

Shining, S. Kubrick

Des jeux d'enfants, le labyrinthe et le cache-cache sont peut-être les activités les plus terrifiantes : notre corps ne nous appartient plus mais dépend seulement de la volonté d'un seul lieu qui soit nous perd, soit nous dissimule. Néanmoins, cette observation est rapidement enfouie par un cerveau désireux de se cacher, à jamais. A jamais. A jamais.

Shining, S. Kubrick
Malheureusement, une fois que vous y êtes entré, il est effrayant de voir à quel point il vous sera impossible d'en ressortir, dissimulé et perdu comme vous pouvez l'être. Enfin, je dis "vous", mais j'espère pour vous que vous êtes tranquillement assis sur votre fauteuil de bureau, attendant qu'une bonne infusion de rose soit suffisamment amère pour votre palais, ou que vous êtes assis sur un fauteuil en cuir, en train de lire ces lignes grâce à la lumière d'une lampe en cuivre usée par le temps. Bref, loin de tout labyrinthe et de toute course poursuite éprouvante.
Cependant, un relativisme certain vous permet toujours de vous réconforter : il sera difficile pour un scélérat avide de détruire un billet parfum (et son auteur, accesoiremment) de retrouver quiconque ayant pénétré ce labyrinthe, le labyrinthe Dzongkha.

Il vous faudra revenir sur les traces mêmes du parfum pour vous échapper et saisir un des sens de Dzongkha : c'est par le passé olfactif que vous accéderez au ciel. Quand l'encens déploie ses volutes obscures et enfume le dédale, il ne fait que vous brouiller. Quand des fleurs bleues, roses et violettes sortent de terre, c'est pour vous faire tomber. Et quand des hautes haies surgissent des mains à la peau caleuse et brune comme le cuir, c'est pour vous empêcher de lever la tête. Car Dzongkha ne correspond finalement que peu au labyrinthe : il piège par lui, mais son essence même est en réalité le bleu du ciel, aux teintes claires et lumineuses, plutôt que la glaise informe du sol du labyrinthe.

Notez bien qu'ici, dans ce dédale Duchaufourien, les ombres sont toujours deux fois plus grandes que les objets eux-mêmes, dessinant dès lors des lignes brisées, inconstantes et des formes aigües qui n'ont de cesse de naître et de mourir à travers les hautes haies. Elles poursuivent, pourchassent et impossible pour nous d'échapper à l'obscurité qui grandit d'elles tandis que nos mouvements se déploient dans une vaine tentative de réconfort (et par réconfort, j'entends "petit retour sur soi et méditation sur les enjeux d'une telle échappée dans les si belles entrailles d'un labyrinthe olfactif").

Ainsi, d'après mon humble expérience de fuyard, Dzongkha n'est pas fait pour être exploré : il faut le surplomber, couper tout fil d'Ariane et le dépasser. Admirez le ciel : c'est par lui que vous échapperez à ses mystères labyrinthiques. Plongez dans le ciel.


Shining, S. Kubrick

Mais quel épineux mystère surgit quand, au travers des murailles vertes, apparaît un oeil rouge, froid et mécanique ; quand le ciel s'obscurçit ; quand seules les fleurs rouges demeurent et que d'elles s'échappent une ligne puissante menant tout droit non plus au ciel mais au cosmos.

Je plains la personne de confiance qui devra récupérer mon prochain manuscrit, car il semblerait que ma fuite m'ait mené au-delà de l'infini, et que cet infini ait une odeur - paradoxale - de terre.

"Écoutez, je vois que vous êtes vraiment très affecté par cet incident. Et sincèrement je pense que vous devriez reprendre vos esprits, absorber un tranquillisant, et essayer de faire le point."

J.

25 commentaires:

  1. Bonjour,
    Euh...je pense à Tubéreuse Criminelle...mais en même temps je pense à un autre parfum!!
    On pourrait avoir un tout petit indice supplémentaire?!
    Myriam.

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    1. Bonjour Myriam,

      Non ça ne sera pas Tubéreuse Criminelle ;) je suis curieux de savoir pourquoi vous pensiez à lui ...

      Et quel est donc ce parfum auquel vous pensiez ?

      J'ai bien peur que vous glisser un indice tout de suite soit un petit peu épineux pour le moment.... ;)

      Bonne chance !
      J.

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    2. Zut! je pensais à lui parce que pour moi T.C est comme un "sortilège" violent et puissant au 1er impact.Et même si les pétales de la tubéreuse sont blancs, comme le parfum a un jus presque rouge...j'ai associé le rouge au vocabulaire de la fin du texte et j'ai pensé à lui...au fond "vert" que prend le parfum une fois le 1er choc passé...bon je vais retourner à mes mouillettes! Bonne soirée. (je vais chercher, je n'ai pas dit mon dernier mot ;) )
      Myriam.

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    3. Vous voyez rouge et... vous voyez bien ! C'est effectivement la couleur principale du prochain parfum. Un rouge...

      Cherchez, cherchez ;) et n'hésitez pas à prendre une tasse bien infusée si vous en avez envie !

      J.

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  2. Bonjour, tout d'abord bravo pour ce blog (que je prend plus de temps à lire seulement maintenant)Je n'ai pas eu le temps de passer aux précédents articles que, déjà, je me prend au jeu.
    Cet œil rouge reste une énigme et rien, pour l'instant ne fait echo. En revanche, ce cosmos et cet infini à l'odeur terrestre me font penser à Iris Silver Mist, froid, organique et un peu metallique aussi.

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    1. Bonjour Emeline, bienvenue chez nous (et donc chez vous !). Merci beaucoup pour vos gentils mots =)

      L'oeil rouge, vous l'avez. Le cosmos, vous l'avez. Ces deux notions ne vont pas décrire tant le parfum que le cadre dans lequel il sera évoqué ;)

      Ce n'est pas Iris Silver Mist. Et entre le froid; le métal et l'organique, je pense que seul l'organique se rapprocherait du parfum en question...

      Paradoxalement, le parfum est plus "terre à terre".

      Vous reprendrez bien une tasse bien infusée ?
      ;)

      J.

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    2. Une infusion ? Avec plaisir ! Auriez-vous...de l'iris ?

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    3. Si ce n'est que les deux parfums sont beaux, il n'y a strictement aucun rapport entre les deux ^^

      C'est sur la rose que naviguera le prochain billet. Trouvez laquelle ;)

      J.

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  3. Bon allez... Ce sera une rose, non ?

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  4. Ah, vous vous avez trouvé! et effectivement Jicky a parlé d'épines...Est-ce que ce ne serait pas une rose rouge qui tache?!
    Myriam.

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  5. où est ce que je me trompe encore?!!

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    1. "Écoutez, je vois que vous êtes vraiment très affecté par cet incident. Et sincèrement je pense que vous devriez reprendre vos esprits, absorber un tranquillisant, et essayer de faire le point."

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  6. Vous êtes sur la bonne piste !
    Une rose, oui... Mais laquelle ? ;)

    J.

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  7. En attentat, mon périple stellaire m'empêchera de répondre personnellement à vos messages pendant deux semaines. Néanmoins, le grand Phoebus - dieu du Soleil - sera là pour vous aiguiller (et grâce à la technologie, nous pourrons communiquer ;) )

    Bonne chance, bonnes vacances pour ceux qui partent... À bientôt :)

    J.

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  8. Déclaration d'un Soir ?

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    1. Bonjour Dominique !

      J'ai déjà parlé de ce si beau Déclaration d'un soir :) soyez plus absolue ;)

      J.

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  9. La fille de Berlin?
    Myriam.

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    1. Non. La rose qui sera abordée est magnifique, elle. ;)

      J.

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  10. A tout hasard, je cite ma rose préférée : Perles de Lalique

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    1. Même si Perles est un beau parf, ce n'est toujours pas celui là.
      C'est plus simple que ça. Tout est dans le nom ! (Si là vous ne trouvez pas ...)

      J.

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  11. Et bien, j'avais pensé à Rose de Nuit avant de choisir Perles. Le nom me semble tout à fait correspondre, mais seulement le nom. Ma dernière tentative sera alors pour Une Rose de Frederic MALLE.

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  12. Voleur de Roses!!!!!!!

    Myriam.

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  13. Bravo Emeline !!

    C'est bien de Une Rose dont il s'agit !
    La grande, l'unique. Je vais pouvoir commencer à envoyer le manuscrit à mon homme de main sur Terre. Je pense qu'il arrivera en milieu de semaine prochaine...

    J.

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    1. C'était donc Une Rose !
      Vivement la suite, j'ai hâte.

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    2. Merci pour votre enthousiasme ! J'en suis ravi.
      La suite arrive très vite. Les communications espace-Terre sont lentes, mais la technologie a bien évolué depuis 2001 ! ;)

      J.

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