jeudi 30 juin 2011

Tina & Botanistes Artisanaux

Comme idée, on pouvait s'attendre à pas mal de choses pour la venue de l'été ! Olfactivement, il y a toujours foule d'affaires à régler. Et les marques l'ont bien compris ! Chez Mugler, on a chaque année droit aux déclinaisons Sunessence de leurs best-seller qui, malgré des noms à rallonge impressionnant (dur de le citer dans le métro lorsqu'une belle brune inconnue vous en demande le nom...) sont incroyablement bien faits ! Pareil pour les Eaux Fraiches, classiques mais tellement vues et revues qu'on baille d'ennui rien qu'à voir le flacon, toujours pareil : élancé et cylindrique. Cette année, Saharienne, L'Ô de L'Orangerie, et allez, on va parier sur une nouvelle Escale de Dior... (ou alors la 25ème déclinaison de J'Adore, au cas où on aurait pas compris que OUI, J'Adore, c'est trop la classe. Ou pas).

Mais jamais une marque nous a encouragé à prendre nos bottes, nos chapeaux verts, notre tablier vert foncé sur T-Shirt blanc, et nos gants, verts toujours ! Car c'est bel et bien le projet de L'Artisan Parfumeur : faire de nous de véritables botanistes ! Ainsi, pour célébrer leur gamme des Jardins Secrets, qui réunit leurs bambins tels que Premier Figuier, L'Eté en Douce, La Chasse aux Papillons ou encore le Patchouli Patch, L'Artisan Parfumeur nous offre, pour chaque achat, une petite carte de graines.

Premier Figuier pousse le long des sentiers aussi ! c EG

Le principe est simple : humidifiez la carte ensemencée de graines (je le dis parce que j'ai mis pas mal de temps à comprendre le fonctionnement de la machine ^^), et plantez là dans un petit pot de terre (conseil de pro : plantez la carte à l'horizontale, non à la verticale ;). Puis après, il suffira, en bon perfumista à la main (et à la narine !) verte, d'exposer la plantation au soleil, de l'arroser, et de lui parler. Je vous conseille même de lui donner un petit nom ! Après Virgile le Jasmin, voici Tina, la Carte de Graines, fille de Jicky ! (le nom est choisi purement au hasard, j'ai pris le premier que j'avais dans la tête. Et non, je ne regardais pas Goldeneye !).

Future-Tina, en train de s'humidifier, oui je sais, j'ai un
superbe parti pris pictural...

Ainsi, l'opération est simple : vous vous occuperez avec amour de votre plantation, et l'objectif sera de prendre de belles photos d'elle ! Dr Jicky & Mister Phoebus publiera ainsi de temps en temps des nouvelles de Tina, et sûrement de la future plantation de Phoebus sur la page facebook ! Et comme nous ne faisons pas les choses à moitié, autant tenter de faire quelques clichés sympas, car selon la marque, les photos les plus accrochantes seront sélectionnés, et un lot des 8 parfums de leurs Jardins Secrets est à gagner !

Nous vous obligeons donc d'ores et déjà à aller regarder nos photos de Tina et de sa future copine Made-In-Phoebus sur notre page, et de mettre des coeurs partout partout (comme les wesh wesh sur leurs photos de profil, à la différence près que nous ne vous obligeons pas à commenter "m a n n e q u i n" sous chaque cliché...).

Et tel un père tout ému par la naissance de son bébé, je vous présente Tina ! Cette Carte de Graine a vu le jour le 12 juin 2011, à 16h46, par une chaude journée, et se développe dans un petit pot bleu. Nous avons décidé de placer Tina sous l'éducation de Gertrude, la grenouille, réputée pour sa poigne de fer quant à l'éducation des jeunes pousses (elle a élevé mon Impatiens depuis 2003, et elle se porte à merveille).
Tina est Gémeaux ascendant Balance (oui, j'ai bien cherché l'ascendant de Tina, ému que je suis, jusqu'au bout). Deux signes de l'air, qui montrent l'envie de s'envoler, de créer et d'innover. Certes, cela dit, j'aurais Tina à l'oeil lorsqu'elle voudra "s'envoler" à 16 ans pour des soirées "Mousse... de Chêne". Pas de ça avec moi.
Tina et Gertrude

L'opération joue quand même dans l'innovation non ? (je me souviens d'un truc de graindes de tonka pour Guerlain, mais ça avait complétement raté, ça poussait pas...). Et pour vous faire partager mon amour des plantes (Flower Power), une carte de graine est en jeu ! (j'en ai eu une en plus la dernière fois, avec les soldes complétement géniales du coup), que nous accompagnerons d'un échantillon du futur parfum de L'Artisan Parfumeur, qui nous a été présenté mercredi soir : Batucada ! Le gagnant sera surement annoncé dimanche ou lundi, et pourra s'occuper de son jardin à soi ! Et je veux nom, signes astrologiques, numéro de portable (histoire que Tina et le futur bébé se fasse des sorties entre copines), et surtout... des photos !

Et pour les amoureux des plantes, je vous invite à jeter un coup d'oeil chez notre jardinière rebelle, et chez notre Patrice-Les-Pouces-Verts !

Post du 4 juillet : Diane tu as donc gagné une carte de graines ! Envoie moi un petit mail avec ton adresse =) je t'enverrai ça avec un peu du Batucada ! Bravo à toi !

samedi 25 juin 2011

Le snobisme des perfumistas (+ mini review de La Lune 18 de D&G).

Par Phoebus.


D'après une étude trèèèèèès sérieuse sponsorisée par personne et menée par moi même, voilà ce que j'ai pu en déduire – ça vaut ce que ça vaut, dites moi si je me trompe.
Lorsqu'une personne se passionne pour la parfumerie, elle passera forcément pas les stades suivant (non, non, pas le déni, la colère, l'acceptation ect ;-p...) :

  1. D'abord, elle voudra soudain sentir tous les parfums qui lui tomberont sous la main, sans se soucier de connaitre la marque, le genre, les notes ou la réputation, pour le simple plaisir de dire j'aime ou j'aime pas.
  2. Après avoir fait le tour des Nocipharionauds, plusieurs fois, elle se renseignera sur internet pour avoir un peu de littérature sur ses chouchous.
  3. C'est ici que les choses se gâtent. L'enthousiasme communicatif de certains internautes et bloggers donnera vite envie au petit perfumista en herbe de dresser une liste (longue liste) de "parfums à tester", comprenant surtout : les Grands Classiques (qu'on zappe parce qu'on pense les connaitre), les Vieux Parfums (qu'on zappe parce qu'au début, l'innocent petit perfumista en herbe pense encore que c'est la honte de s'allonger à plat ventre pour atteindre le testeur de l'Heure Bleue), et les Nouveautés A Contre Courant (qu'on zappe parce que... Ha bon il y avait encore des étagères derrière cette immense affiche de J'adore L'Or ?!).
  4. Les goûts se forgent, on commence à distinguer les matières qu'on aime, à poser des noms sur des effets...Alors on se met à la recherche du mythe, du légendaire, du surtout très inexistant "Mon Parfum à moi Pour La Vie Qui Me Correspond <3" après s'être renseigné sur les parfums qui répondent à un listing précis de critères d'appréciation personnelle (ça fait très Meetic comme approche, isn't it ?). Et bref, assez vite, on se rend compte que l'essentiel de la parfumerie d'aujourd'hui, ça se trouve dans les maisons de niche.


Deux hypothèses ici.



Hypothèse 1) Le perfumista des champs-Elysées : (Jicky représente cette catégorie). Évoluant dans une grande ville de France, bien souvent à Paris, c'est simple, il a accès à tout. Mais trouvera quand même le moyen de se plaindre. * voix de nunuche * "Oh mon Dieu. J'ai peur. Je ne sais paaaas si j'aurai le courage de rentrer tout seul dans un stand Cartier ou Chanel, à moins de m'afficher avec le dernier sac Yves-Saint-Laurent pour ne pas me faire sortir par le gros black à l'entrée".

Hypothèse 2) Le perfumista des champs tout-court :  (je représente tous les gros frustrés de cette catégorie). Qu'il vive dans une ville de province ou dans sa campagne profonde, il n'a guère d'autre choix que de fréquenter encore et encore le séphora le plus proche. Lorsqu'on lui conseille les maisons de niche (cf "4)"), il découvre une raison de plus de dire qu'il habite dans le trou du c*l du monde. Sa réponse sera invariablement la même. * ton poli, voix de fayot* "mon Dieuuu, que ces parfums me donnent envie ! Malheureusement j'habite en province et je n'ai donc pas accès aux niches. J'espère un jour aller à Paris pour sentir ces merveilles". (ndla : faites un tour sur auparfum, vous croiserez un nombre incalculable de fois cette plainte dans des termes presque invariables).
(...Ca n'empêchera pas le perfumista des champs, entre temps, d'envoyer des mails à quasi toutes les maisons de parfumeurs pour tenter d'obtenir des échantillons gratos...)


Tout ceci pour quoi. Pour constater qu'il existe une cinquième période, plus ou moins longue selon les individus, durant laquelle le perfumista en herbe devient carrément snob. Snob parce qu'il ne jure que par les niches et dénigre le mainstream, snob parce qu'il PENSE avoir fait le tour de la parfumerie, snob parcequ'il commence limite instinctivement à poser un regard très (trop) critique sur les nouveautés. On pourrait comparer cette période à la très gonflante et très tête-à-claque période de la pré-adolescence (en effet, qui n'a jamais eu des envies de meurtre face à la vanité/l'impertinence/le trop-plein-de-confiance-en-soi qui suinte d'une conversation avec un môme de douze ans, je vous le demande ?).




Personnellement je pense être enfin sortit de cette période ridicule depuis peu (pour poursuivre avec l'équivalent de l'adolescence : une curiosité renouvelée me donne envie de tâtonner un peu tout n'importe quoi en parfumerie, mais je sens bien que mon regard est plus lucide et peut-être plus sincère qu'avant).
La meilleure manifestation de cette évolution, c'est la faculté à ne pas bouder son plaisir. Et en particulier le plaisir qu'on peut trouver dans le mainstream, souvent à petit prix. J'ai redécouvert récemment La Lune 18 de D&G (en ouvrant les derniers cartons de déménagement, presque neufs mois après avoir changé d'appart', no coment...). C'était l'un de mes premiers "parfums préférés" quand j'étais encore dans la phase "1)" * soupir nostalgique *. Je l'adorais. Je l'ai rapidement oublié parce qu'il y avait telllllllllllement mieux que D&G ailleurs... Bah oui, le muguet de La Lune était tellement pâlichon à côté du naturel de Diorissimo. Et cette pomme, tellement paic vaisselle face à l'éclatante granny smith de Light Blue. Quand à la tubéreuse... Totalement inexistante et insipide face à la championne du genre, Carnal Flower !
Vous l'aurez compris, la phase "4)", celle où on est tellement content de savoir reconnaitre les matières utilisées et de les comparer est réellement dangereuse car à force d'intellectualiser systématiquement ce qu'on sent, on éloigne ce qui nous touche. 



Aujourd'hui donc, je peux redécouvrir pourquoi la Lune m'a touché, tout en ayant pleinement conscience que la qualité des matières utilisées vole à raz-les-pâquerettes (Procter&Gamble oblige ?). Je peux également dire que je m'en fiche pas mal. Parce que l'équilibre et l'émotion sont là (pour moi). Et c'est tout bête. J'aime la Lune parce que ça sent les bulles. Les bulles de savon qu'on souffle quand on est enfant, qu'on obtient en mélangeant du paic vaisselle et de l'eau. Les notes de tête ont une dimension un peu plus "champagne", les notes de cœur un peu plus "floral blanc" et les notes de fond un peu plus miellées, mais du début à la fin, La Lune laisse des bulles d'enfance dans votre sillage.






Et vous alors, cher lecteur ? Votre petite envie mainstream "pas prise de tête" du moment, qu'est-ce donc ?

jeudi 16 juin 2011

Trois Petits Figuiers

Les Trois Petits Figuiers - © EG pour J&P
Il était une fois, trois petits Figuiers, tous pleins de fruits charnus, et qui s'aimaient tendrement, tout en étant très différents. Le Premier petit Figuier aimait manger et dormir. Le second, le Boisé, aimait la nature et le grand air et le troisième, le Minéral était plutôt sérieux, il aimait lire sur des rochers, face au Soleil à la mer. Ils eurent un jour envie de voir du pays. Aussi, après avoir embrassés leurs mamans respectives (sachant que le Premier et le Minéral étaient frères et embrassèrent la même mère), ils se mirent en chemin.

Mais un matin, ils apprirent une terrible nouvelle : le grand Méchant Loup était revenu au pays ! Et d'après les rumeurs que chuchotaient les molécules odorantes dans l'air, il était proche !


© EG - le Premier Figuier
"C'est notre pire ennemi, c'est nos mamans qui l'ont dit !" s'exclamèrent les trois petits figuiers. Tous les parfums du voisinage ayant regagné leurs maisons, les pauvres petits figuiers comprirent qu'il leur fallait s'en construire une au plus vite. Le troisième petit figuier se mit tout de suite à creuser de bonnes fondations : il voulait construire une maison de pierre. Quant au Premier, il se hâta de tresser des brins de paille qu'il avait trouvés sur une meule voisine : le soir même il acheva sa paillote et put y dormir à l'abri sans plus penser au Méchant Loup.

© EG - le 2nd petit figuier : Ninfeo Mio


Le second petit figuier planta des piquets aux quatre coins de sa cabane de bois et disposa comme il put des branches pour faire les murs, les fenêtres et de quoi meubler sont intérieur. Contrairement à son habitude, il travailla même le deuxième jour pour poser son toit avant d'aller jouer : "qu'il vienne, ce Méchant Loup !" clama-t-il après avoir achevé son oeuvre.


© EG - le 3ème petit figuier : Philosykos


Le troisième jour, le troisième petit figuier avait cimenté le dernier rang de pierre. Ses amis se moquaient bien un peu de lui et de son travail acharné. Lui le disait rien mais, en assemblant sa charpente, il pensait : "pourvu que j'aie le temps de finir !". Le soir, la maison étant achevée, il réalisa qu'il manquait une cheminée : il se remit  à l'ouvrage et, toute la nuit en construisit une bien solide.




Le lendemain, l'évidence ne fit hésiter aucun des figuiers, la grosse voix avait retenti dès le lever du jour : "qui a osé s'installer dans MA clairière ?" gronda le Méchant Loup. Puis, voyant que ce n'était que trois petits figuiers boisés, il se ravisa : "Hum... moi qui rêvait de m'amuser un peu, voilà une réelle opportunité de "jouer" avec les figuiers jusqu'aux notes de fond...".
Entendant cette sombre voix, les trois figuiers, leur sève glacée d'effroi, se ressaisirent et coururent bien vite se mettre à l'abri, chacun dans sa maison.

Le Méchant Loup se précipita sur la paillote du Premier Figuier, et vaporisa si fort son parfum, que la protection du Premier s'envola tout de suite. Profitant du petit essouflement du Méchant Loup, le malheureux petit figuier se précipita chez son ami.
"Au secours Ninfeo ! Ouvre-moi vite !". Le Boisé lui ouvrit, et le Premier se réfugia dans la cabane de bois de son ami. Le Méchant Loup s'approcha alors de la cabane et atomisa si fort son jus que celle-ci trembla, craqua... mais résista ! Surpris, le Méchant Loup inspira alors plus profondément et vaporisa, vaporisa si longtemps que la cabane du second petit figuier s'éparpilla autour des infortunés bijoux parfumés.

Tandis que le Méchant Loup toussait tout en reprenant son souffle, les deux petits figuiers coururent chez leur ami : "Au secours Philosykos ! Ouvre-nous vite !". Et le plus sérieux des trois figuiers, ouvrit sa porte et le Premier et le Boisé se réfugièrent dans sa maison de pierre. Alors le Méchant Loup se planta devant la maison de pierre, ôta son bouchon pour mieux vaporiser sa colère, retroussa ses manches, inspira et pulvérisa comme il l'avait fait sur la cabane.
La maison ne bougea pas.

Les 3 Figuiers protégés - -© E. G.

Une fois qu'il eut bien toussé quelques gouttes de son jus, craché notes de tête et juré sur ses notes de fond, le Méchant Loup reprit son souffle. A l'intérieur, les trois petits figuiers étaient dans la plus grande des angoisses. La seconde pulvérisation fut encore plus grande et plus longue, et sa puissance était incroyablement plus impressionnante que les précédentes. Mais la maison tint bon.

Fou de rage, le Méchant Loup s'étranglait, haletait, et à l'intérieur, les petits figuiers s'embrassaient, pensant que ce serait la dernière fois. Le Méchant Loup inspira si fort qu'il créa une tempête parfumée, et vint la vaporisation, la dernière, la plus terrible... Tout s'envolait autour de la maison de pierre : herbe, terre, cailloux, tout... sauf la maison ! Epuisé, humilié, le Méchant Loup s'éloigna.

Les trois petits figuiers tremblèrent de peur encore très longtemps. Ce n'est que tard dans la nuit qu'ils purent fermer leurs bouchons et se reposer, blottis les uns contre les autres. Mais au petit matin, réveillé par des bruits de frottements de verre sur le toit, le troisième petit figuier secoua ses amis : "Vite ! Aidez-moi ! Allumons le feu sous le distillateur !". Tandis qu'ils vaporisaient du vent pour attiser le feu, de la suie tombait dans le distillat.

Le distillateur bouillonnait quand une énorme masse noire s'abattir dans une gerbe d'étincelle, d'huiles essentielles, et surtout de cris : "Waouuuuu !!!". Brûlé, ébouillanté, pelé et parfumé clandestinement et à vie, le Méchant Loup ressortit aussitôt par là où il était entré.

Les 3 Petits Figuiers , se reposant sous la voute étoilée - © EG pour J&P
On raconte que dans la clairière, on peut encore voir trois petites maisons de pierre. Mais ce n'est pas vrai. La vérité, c'est que le troisième petit figuier agrandit sa maison pour accueillir ses deux amis et les deux mamans, Olivia et Isabelle (ainsi que tatie Camille les jours où la sieste et les festins le permettent). On dit aussi que Premier Figuier fabriqua des lits douillets pour se reposer sous les autres vrais figuiers, que Ninfeo Mio installa un hamac, et que Philosykos bâtit une bibliothèque de pierre, pour se détendre en fin de journée, au coin de la cheminée...
J.

Texte librement inspiré de la version de  Jean Claverie des Trois Petits Cochons

vendredi 10 juin 2011

Tubéreuse Criminelle

Les murs étaient froids et l'humidité ambiante donnait une luminosité marécageuse à cet endroit plus nu que la terre polaire et rongé par les vices. Mes talons claquaient, et brisaient le silence de glace. J'étais gelée, et le contact des deux gardes qui me serraient les avant-bras réchauffait, en vain, mon corps mis à nu face à tous les gueux enfermés. Nous marchions ainsi, le long du corridor principal de la Prison des Parfums, univers morne à l'horizon plombé. J'étais bien visible des autres détenus, qui bavaient presque d'admiration et de peur face à  mon sillage.

© E. Guézou pour Dr Jicky & Mister Phoebus ;)

Déesse de ces lieux, tous me connaissaient, tous me voyaient sur un autel, et tous me craignaient, moi, la Criminelle. Peu d'horreurs au monde me surpassent, et ma froide cruauté semblait accusée par le soleil de glace de la prison. Mais au fond je n'étais pas seule. M'accompagnait le vieux Chaos, parce que s'il n'y avait qu'un seul de mes compagnons de route à retenir, ce serait celui là.

Les présentations sont faites, et le message est clair.

Les deux gardes me jettent dans la cellule T140C, celle qui semble m'être réservée, étant donné que je foule son sol pour la vingtième fois, au moins. Je suis seule, et j'expire longuement l'air que j'avais retenu avant de passer dans le corridor habité par les autres détenus, si faibles pour pouvoir prétendre respirer le même air que moi. La buée qui s'échappe de mes lèvres d'un rouge profond s'envole dans l'air de ma geôle, et s'échappe dans la nature par un orifice béant dans le mur, faisant office de fenêtre. Je m'en approche et accroche mes mains marmoréennes sur les six barres de fer verticales, faisant fi du mordant dû au froid. Et c'est ainsi qu'a jailli l'idée évidente de m'échapper de la Prison des Parfums, chose que j'ai déjà réalisée maintes fois auparavant.

Le Soleil était en train de se coucher, et le ciel rougeoyait dans une lumière crue, à la limite de la couleur du sang. Je souris. J'avais trouvé.

Je me suis approchée de la porte de ma cellule, et j'ai passé ma main d'albâtre dans l'ouverture, pour attirer le garde. Il s'est approché, et je lui ai crié mon malheur, dans ce fond de gouffre obscur où mon coeur est tombé. Et subitement, j'ai craché toute ma puissance sur lui. Vénéneuse, mon attaque l'a complètement assommé, après avoir poussé un cri de détresse. Un autre garde est apparu, a ouvert ma cellule pour me prendre, et j'en ai profité pour faire émaner une vague de poussière olfactive, verte et aveuglante. Le second garde est retourné à l'état de bourgeon, et je suis partie, en toute simplicité. J'ai laissé les deux gardes dans leur sommeil narcotique, j'ai avancé dans le corridor des vieux malfrats insipides, sans leur jeter un seul regard. Je retenais toujours ma respiration.

Ce que j'aime, c'est qu'aucun membre de la Prison ne cherche à m'arrêter lors de chacune de mes évasions. De toute manière, ils savent que cela ne mènerait à rien. Je sors donc, naturellement, en dehors de l'édifice austère, laissant derrière moi un sillage de froideur râpeuse et amère, mais avec une once de perversion, que l'on retrouve dans le sourire carnassier que j'arbore.

Ma mission est simple désormais : trouver Carnal, et lui montrer la vérité. Car si mon éternelle amie a toujours été d'agréable compagnie, les dernières nouvelles me mortifient : elle, sacrée meilleure tubéreuse du parfum. Je me souviens encore de cette fin de soirée passée dans mon humble chez moi : imaginez la fin d'un thriller haletant où, dans ma robe d'émeraude, je célébrai la résolution d'une énigme en cours depuis longtemps, et avec pour partenaire ma chère collègue Carnal. C'était dans ce genre d'ambiance feutrée où nous nous étions promis de rester unies. Et malgré ma supériorité naturelle, je ne m'attendais pas à une traitrise de la sorte.

C'est pourquoi, si je me suis évadée de prison, c'est pour rendre justice à la tubéreuse, la vraie. La carnassière. La verte, la narcotique, la mortelle. Celle qui évoque aussi bien la mort que la vie. Celle qui réveille l'âme des gens du plus profond de leur conscience. Je fus ainsi, fleur superbe, en vaisseau transformée, partie pour rassembler la véritable nature de la fleur blanche tant célébrée. Et avec moi, pas de tabou, pas de quartier. Je me suis changée depuis cette soirée pleine d'énigmes, où j'étais toute de vert vêtue. Maintenant, j'arbore une robe noire, au style victorien, mais à la signature étonnamment moderne. Mon élégance est sans limite, et la volonté de montrer au monde mon visage motive chacun de mes pas, qui comme des tambours, font sonner le début d'une bataille pacifique, où tout se jouera sur la tête des deux concurrentes.

Pour l'heure, le Soleil rouge est de mon côté : il est rouge comme mon sang, et brillant comme ma beauté. Car la plus grande des tubéreuses, c'est moi.

© E. Guézou pour Dr Jicky & Mister Phoebus
J.

jeudi 2 juin 2011

L'Heure Défendue : La Traversée de deux mondes - Jeu Concours !

Tout l'univers du chocolat s'ouvrait à moi. Poudre de cacao, chocolat noir, blanc, au lait, avec des noisettes grillées entières, à la menthe, ou encore en forme de terrain de skate (assez étrange cette nouvelle tendance d'ailleurs...). J'aurais pu jouer sur la mode sensuelle-chic des pub de chocolat noir intense (ou comment il est nécessaire de déshabiller une brune bronzée sur un fond noir, avec une musique lancinante et des éclats de poudre dorée, le tout pour vendre une tablette de chocolat).

Chocolat en forme de terrain de skate
Ou alors j'aurais pu jouer sur le côté régressif de la matière : le bouchon de Maurice poussé trop loin, la petit fille trop mignonne qui enseigne au papa comment manger son gâteau au chocolat, la poudre de cacao qu'on doit mettre dans le lait chaud le matin (mais non, désolé, team thé pour moi).

Ou bien, dernière option, à moi l'univers du Mon Chéri et du Ferrero Rocher, entre luxe, fête et volupté.

Car le chocolat, s'il est synonyme de repos, de petit plaisir et de subtilité gustative, peut aussi être le grand ami du perfumista. Il joue sur plusieurs tableaux : le sensuel, pour le chocolat noir intense, le gourmand pour le chocolat au lait, accompagné de diverses petites décos croquantes (éclats d'orange, de framboise, de riz, le tout déclinable à l'infini) et surtout, le jeu sur les récoltes. Des années à cacao comme des années à tubéreuse. On constate pourtant que le chocolat semble assez boudé par les amateurs. Il n'y a qu'à voir Angel, grand vainqueur des années 90, bien que victime de sa réputation. Bornéo 1834, de Serge Lutens, est lui plus reconnu pour son patchouli terreux et croquant, que pour sa note cacao extrêmement fidèle. Et je trouve ça relativement dommage.

D'ailleurs, lorsque j'ai lu les articles sur la naissance de L'Heure Défendue sur Ambre Gris et Grain de Musc, je suis resté non pas sceptique, mais disons moins emballé que pour L'Heure Fougueuse (*vénération*). Du chocolat, aussi réaliste soit-il, reste du chocolat. Il ne fait pas parti de mes amis - gustativement parlant (ok, un carré par-ci par-là ne se boude pas. Mais bon, sans plus, quoi !). Pourtant, c'est étrange car Angel et moi nous adorons de manière fusionnelle, et Bornéo 1834 me fait de l'œil à chaque fois que je lui sers le vaporisateur...

Poudre de Cacao

Alors je l'ai porté, cette Heure Défendue. Avec elle, on plonge direct dans l'océan de chocolat marron avec une note alcoolisée, mais surtout une note trèèès... poudrée ! Comme le dit Dame D'Ambre Gris, le cacao se fait oublier assez rapidement. Le morceau de chocolat intensément dosé que L'Heure Défendue a dégusté s'est fait avaler, et arpente maintenant des cavités sombres, avec des effets de miroirs, de reflets vers le monde intelligible. Une sorte de voyage dans le corps du parfum. La note poudrée est réellement la plus visible, et donne de l'éclat, du brillant, à une composition qui paraissait puiser dans le noir. Le noir et le brillant, après le noir et blanc de L'Heure Mystérieuse. En sortant de ce tunnel sombre et légèrement râpeux, Mathilde Laurent nous transporte ensuite dans un paysage aride, où on croirait sentir quelques herbes sèches, dans un paysage au climat aride, à la luminosité incandescente.

Terre Rouge d'Australie
L'Heure Défendue est une sorte de couloir surnaturel où, grâce à la fève de cacao, on passe d'un monde sombre, aux murs craquelés et râpeux, vers un monde sec, à l'aspect poudré et chaud. Un bois chaud et de l'immortelle aux teintes oranges et sombres dominent alors la composition. Partir avec L'Heure Défendue une journée, même à très faible dose, revient à s'aventurer avec une flopée d'autres parfums, car sa présence est incroyable, et réduit à néant tout autre matière olfactive ! Les gens se retournent sur votre sillage et vous regardent, intéressés par la réminiscence régressive, mais en même circonspects par l'absence de notes évoquant cette délicate poudre blanche dont usent et abusent nos chers sucraillons mainstream.

Et puisque L'Heure Défendue est le parfum préféré de Josiane, j'ai nommé la teneuse du stand Cartier des Galeries La Fayette, et qu'elle adore au plus haut point cette Heure, elle a tenu a m'en donner deux échantillons, que je mets en jeu, pour que vous puissiez découvrir cet étonnant parfum !
Evoquez à votre tour : soit votre rapport au chocolat, soit un parfum qui agit comme un tunnel entre deux mondes totalement distinct, ou alors tout simplement ce que vous attendez de cette Heure de Cartier. Nous tirerons au sort dimanche ou lundi les deux gagnants qui remporteront chacun un échantillon de 4ml de L'Heure Défendue !

Ils vous attendent pour embarquer !!!
5 candidats, 2 échantillons. Ma petite soeur a ainsi sélectionné les deux petits papiers chiffonnés. Et nos deux gagnants sont... [on met toujours le suspens, mais en fait, à l'écrit ça sert un peu à rien ^^] -> Zab63 et Moonlight ! Bravo à vous deux, et merci aux autres participants, qui pourront se rattraper surement lors de prochains petits jeux !
Envoyez moi un petit mail =)

Bonne semaine !

J.