Je n'ai pas l'habitude de parler des odeurs pour la maison, à tort ou à raison. Mais mon amour des beaux parfums me pousse à aborder les compositions importantes à mes yeux. Pour cette rentrée, diptyque lance trois cierges parfumés dans le cadre d'une collection graphique tout à fait en phase avec l'esprit de la maison : la Collection du 34. Ainsi, si vous pouvez y découvrir Le Redouté, un pot-pourri plus complexe qu'il pourrait paraître de prime abord, ou encore Les Lilas, qui propose une transcription de la note pleine de justesse et d'émotion, l'incroyable s'appelle Curiosités...
À la découverte, elle avait brûlé quelques heures dans une pièce. Ce fut un choc. Ce genre d'émotion violente, vous la connaissez sûrement, vient vous prendre à la gorge et fracasse votre tête quelques secondes après. Malléabilité du temps et de l'espace, je me suis retrouvé dans une salle de séchage de rhizomes d'iris. Pour obtenir leur substantifique moelle, ces rhizomes doivent en effet sécher sur une durée de trois ans dans un espace spécial sous forme de grande salle vide où règne une odeur puissante d'iris. Une giclée de terre à peine humide, le râpeux d'un parchemin jauni, le poudré glacé de la lune et la flamme bleue d'une bougie solitaire. Cette odeur en soi ferait chavirer le plus solide des cœurs. Curiosités va encore plus loin.
Car l'iris terreux n'est qu'un rideau cachant une scène plus complexe encore ! En filigrane, un cèdre vient donner de la verticalité au cierge, dévoilant alors toute sa profondeur. Riant à gorge déployée, la note épicée du clou de girofle appuie une texture à la fois rugueuse et paradoxalement inaccessible, comme ces pièces isolées cherchant à reproduire le silence absolu sans jamais y parvenir. De silence, il en est question lorsque le rôle de l'angélique se dévoile : insaisissable, cette floralité s'accroche aux notes épicées et offre un effet de flou blanc à une peinture olfactive pouvant sembler trop sombre. C'est que l'iris se teinte d'un bleu cendré à la noblesse rare (même en parfumerie fine pointue), un vétiver souligne les nuances brunes et vertes de la terre et le gris se déploie à la fois de l'iris, de l'angélique et d'une note pour le moins inattendue... l'ambre gris !
C'est l'ambre gris qui déforme et obsède tous les autres aspects de Curiosités ! À la fois clef de voûte et murmure d'une rumeur antique, rarement un si bel hommage lui aura été rendu. Une fois que l'on comprend que c'est son personnage qui tirait les ficelles de l'intrigue depuis le début, tout s'éclaire. Les couleurs se fondent, les texture se condensent puis s'étirent à l'infini : dans l'air, une salinité poudrée, presque crayeuse, apparaît ; la terre vient se mêler à la brume pour finalement éroder tout ce à quoi l'odeur - impalpable - peut s'accrocher. L'animalité se cache dans une caverne moussue et humide, pleine d'une vapeur d'eau chargée de souvenirs. Tout prend vie.
Rarement je n'ai senti un tel aboutissement dans une bougie. Curiosités va très loin. Si loin qu'elle donne l'impression de désamorcer sa simple condition de "produit pour la maison" : ses teintes sombres suggèrent une obscurité que combat la flamme et ses effluves de papier séché posé sur la terre évoquent, par analogie, la lueur d'un feu permettant de lire ce qui y est inscrit. Mise en abîme. L'expression lui va si bien...
J.
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