Phoebus, au rapport.
Nous nous approchons de la fin de cette série d'articles, avec un dernier billet d'observation qui conclura l'ensemble avant l'ouverture de demain.
Dans la première partie, je vous ai introduis à un monde bien différent du nôtre. La deuxième partie est venue confirmer le gouffre incarnant la différence de perception entre passionnés et consommateurs. Enfin, dans la troisième partie, j'ai essayé de définir l'indéfinissable : la notion de bon goût et les divergences qu'elle suscite.
Il est maintenant temps de s'interroger ensemble sur le sens du titre de cette série. "Le snobisme des amateurs de parfum : l'enfer, c'est les autres."
Cette série n'avait pas pour but d'être une simple compile des tweets les plus idiots d'internet - j'ose espérer que notre ligne éditoriale a des standards un peu plus élevés que ça. Je n'ai pas agité des clochettes sous votre nez pour vous divertir. J'ai choisi les trois clochettes et je les ai agité dans un ordre voulu. Les vrais sujets de l'expérience, c'est vous.
Je vous ai présenté cette série d'article comme une blague : tenter de comprendre un point de vu diamétralement opposé au nôtre, avec la promesse de rire un bon coup durant le processus.
Le rire par l'absurde étant déclenché par l'incompréhension de notre cerveau, cela suffisait à la fois à trahir la mauvaise foi de la démarche et son impasse... Certes on pourra s'expliquer le comportement des autres en faisant appel à la logique : une culture moins développée, des approximations pas si fausses (vu dans les commentaires sous la partie 2 : les indoles du jasmin les ont sans doute mis sur la voie des matières fécales). Mais ce ne sont que des hypothèses de notre part. Est-ce qu'ils estiment, eux, que leur propre plaisir vient d'une œuvre médiocre, qui ne s'explique que par un manque de culture ? Que leur plaisir n'a, de fait, pas la même valeur que le nôtre ? (vu dans les commentaires : leur plaisir serait inférieur au nôtre, moins puissant du fait d'une culture moins développée).
Leur jugement à notre égard est sans doute plus sévère encore : ils ne doivent même pas se donner la peine de chercher à comprendre pourquoi des gens aiment un parfum aussi vieillot que Vol de Nuit.
Alors, peut-on vraiment comprendre l'autre ? Je réfléchis à la question, sur des thématiques autres que celle du parfum depuis quelques temps. C'est le milieu militant de twitter qui m'y a initié (c'est pas si débile, Twitter, contrairement à la mauvaise presse que je lui ai fait durant quatre articles). Les
militants dont je parle s'attaquent à des sujets autrement plus sérieux
et complexes que le petit monde du parfum. Dans notre situation, la
notion de privilège de naissance, qui irrigue les combats des militants,
est absente. (Encore que. Le milieu familial et social..?)
* Les féministes, d'abord : elles emploient le terme "mansplaining", contraction de deux termes anglais pour désigner ironiquement le fait qu'un homme explique aux femmes comment elles doivent se sentir vis à vis d'une situation qui les concerne. L'homme ne saura jamais ce que c'est que d'être dans la peau d'une femme - il pourra l'imaginer, l'observer, faire des hypothèses, mais la vérité est qu'il ne saura jamais vraiment. Dès lors, a-t-il la légitimité pour légiférer sur l'IVG ?
* Les anti-racistes, ensuite : suivant la même logique, c'est le terme whitesplaining qui est employé et qui met en lumière le fait qu'une personne blanche ne saura jamais vraiment ce que c'est que de vivre dans la peau d'une personne de couleur. Ces derniers nomment ainsi la frustration et la colère qui les animent quand, par exemple, une personne blanche leur demande de réagir de manière moins vive à un acte de racisme qu'ils considèrent mineur voir inexistant. Peuvent-ils comprendre ? Ont-ils la légitimité pour s'exprimer sur le sujet ?
* Il en va de même pour les femmes voilées : Faïza Zerouala a écrit "Des voix derrière le voile" en réaction au fait que dans les débats sur le port du voile, qui passionnent les JT depuis des années, on écoute beaucoup d'orateurs, qui émettent beaucoup d'hypothèses sur le sujet... Au détriment des principales intéressées qui apprécient moyen qu'on les présume victimes faibles et soumises pour leur retirer la parole.
Alors peut-on vraiment comprendre l'autre ? L'empathie et la logique semblent avoir leurs limites. Ce que prônent les militants, via la reconnaissance de l'existence des privilèges (= être né cumulativement ou non homme, blanc, hétéro et cis-genre) et de la différence de traitements, c'est une société où on s'écoute. Et donc corrélativement une société où on ne parle pas plus fort que l'autre sur un sujet qui ne nous concerne pas (on se souviendra de 2013...).
"Tout ce que je sais, disait Socrate, c'est que je ne sais rien". C'est une invitation à l'humilité, dans son sens premier. Je peux en tordre le sens pour servir ma thèse : on ne peut pas entièrement comprendre l'autre. L'attitude la plus intelligente à adopter est d'accepter inconditionnellement le ressenti que l'autre partage avec nous. Ne pas en remettre en cause l'honnêteté - et agir ensemble à partir de là s'il y a un problème à la source. C'est ma vision de la société idéale.
Ce qui me ramène à : nous, et cette expérience. On ne peut pas comprendre l'autre, mais rien n'est perdu. "L’expérience avec l'autre" peut, si on se donne la peine de l'introspection, nous en apprendre un peu plus sur nous-même. En prenant du recul sur nos actions, nos réactions, en se demandant sans cesse pourquoi nous pensons ce que nous pensons. Bref, en étant conscient d'être conscient.
Rappelez-vous ce que vous avez pensé durant la lecture des trois derniers articles.
Lorsque j'ai lu ces tweets avant de vous les proposer, je ne savais pas si je devais rire ou pleurer, littéralement. Je n'arrivais pas à déterminer ce que cela me faisait. J'ai tenté de défaire le sac de nœud : un mélange d'étonnement et d'agacement sur la forme (aaaah, ces fautes de français). Un mélange de rire et d'impuissance sur le fond pour les raisons que vous savez.
Mais tous les utilisateurs de twitter ne doivent pas ressentir la même chose en lisant ces même tweets. Qu'est ce qui fait que moi j'ai ressenti cela ? Qu'est ce que cela dit sur moi ?
Il y a quelque chose qui point derrière... Comme un plaisir coupable. Quelque part, cette lecture me fait presque plaisir car elle me valorise, me fait sentir supérieur. Mon égo est flatté parce que moi, au moins, je sais ce qui est bon et ce qui ne l'est pas. Mais selon quels critères ?.. Les miens. J'ai moi-même défini ce qui permettrait à ma fierté de faire la roue, de fonctionner en circuit fermé auto-entretenu. En fait, cela m'arrange bien qu'ils aient mauvais goût parce que, sinon, j'en tirerais peut-être un peu moins de plaisir d'en avoir un bon.
Pourtant, paradoxalement, j'ai pitié d'eux et j'aimerais qu'ils accèdent à mon niveau de connaissance... Ce qui est bien étrange, comme intention, et encore une fois très égo-centrique : qu'est-ce qui me fait dire que je devrais avoir pitié d'eux ? Ils sont sans doute très satisfaits de ce qu'ils ont, qui suis-je pour remettre en cause l'honnêteté du sentiment de plaisir que leurs parfums médiocres leurs procurent ? Après tout la seule différence entre eux et moi, c'est que moi j'ai été curieux, je voulais en savoir plus. La curiosité m'a rendu insatisfait à un stade où eux sont satisfaits. J'ai monté une marche là où eux n'en voient pas le besoin, de même que moi je suis resté sur le pallier dans des domaines où d'autres sont montés... ils n'en ont rien à faire, de ma pitié. C'est presque grossier comme sentiment dans cette situation.
Les amateurs de parfums sont-ils snobs ? Oui, je pense qu'on a tous plutôt bien intégré et accepté ce penchant naturel. Mais le snobisme n'est-il pas une étiquette qu'on a choisi de coller unilatéralement sur un phénomène à double sens ? Le passionné ne comprend pas le consommateur et le consommateur ne comprend pas le passionné ; simplement l'un a choisi de nommer son incompréhension. Pour la hiérarchiser ?
Le mot de la fin de cette expérience, c'est que je viens encore de découvrir que je suis un monstre de nombrilisme - comme tout être humain qui se respecte. Il y en a juste qui sentent meilleur que d'autres, c'est tout...
Chapitre 4 : Le bêtisier (littéralement).
Ça y est, vous pouvez arrêter de lire en diagonale mes gros paragraphes, on arrive au moment où il y a des images !
Cette sélection est un peu particulière et je ne m'attendais pas du tout à la faire mais... Elle s'est imposée.
Pour rappel : je trouve les tweets que je vous présente grâce à la fonction recherche de twitter. Pour la partie précédente, j'ai tapé "parfum bon goût", et les tweets qui vont suivre ne pouvaient y figurer... Je pense que vous avez deviné. Oui, moi aussi ça m'a choqué...
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*moi quand j'ouvre twitter* |
You don't say.
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A force de se parfumer au sirop, ils sont étonnés que ça ne se mange pas... |
Encore une qui a succombé aux sirènes de la tentation.
...Si mon chien était doté d'un pouce préhensile, je suis certain qu'il tweeterait quelque chose comme ça.
Le pire, c'est que leurs palais commencent à s'accoutumer.
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Un petit arrière-goût de fruits secs, non ? |
Ils commencent même à développer une science voisine de l’œnologie.
Pardon ?
Jsaispas Jsaispas, by Parfum. Pour les fanm audacieuses et pleines d'ambivalence.
Oui, enfin, personne, personne...
Black Opium. Black Opium. Black Opium.
"Mais, parfum de quoi ?" s'interroge Fckjzhoran.
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Ouai parce qu'avec eux, faut préciser... |
"Un parfum sur toi pas de glace mdrrr"
"Ah dac ! Black Opium alors ! "
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Puis entre nous vaut mieux ça qu'autre chose |
Je ne vois pas où est le soucis.
Alors la zouk musique, c'est une première chez les synesthètes mais pourquoi pas !
Ce mec est :
a) marseillais
b) alcoolique
c) inflammable.
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Si quelqu'un peut m'expliquer la nécessité du smiley english flag svp merci |
One Million = le diadème de Rowena Serdaigle ?
Petit, sa maman disait déjà qu'il était spécial.
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Voilà, c'est fini pour aujourd'hui !
Et c'est définitivement fini pour les captures d'écran, j'ai épuisé mon stock. Le prochain et dernier article sera plus court et n'en contiendra pas.
/!\ spoiler alert : on va arrêter de regarder le verre à moitié vide.